Donner fait du bien : effets du don sur vous-même

infographie : donner fait du bien, dépenser de l'argent pour les autres favorise davantage le bonheur que dépenser de l'argent pour soi-même

Vous vous demandez si donner votre argent ou du temps pour des causes importantes aura un impact sur vous-même ? Ou plus globalement, vous cherchez des choses à mettre en place assez facilement pour améliorer votre bien-être, avoir un impact positif sur votre santé ?

Même si vous ne faîtes pas preuve de générosité pour votre propre intérêt, il est je pense intéressant de connaître ces données intéressantes sur l’impact positif du don sur les donateurs et donatrices eux-mêmes.

Pour rédiger cet article, j’ai cherché les études publiées dans la littérature scientifique internationale qui s’intéressent aux effets sur le bien-être et la santé des personnes qui :

  • 💰 donnent de l’argent à des associations, des organisations caritatives ou des ONG ;
  • ⏱️ s’investissent dans le bénévolat ou volontariat, dans leur propre pays ou lors d’une mission humanitaire dans un autre pays ;
  • 🩸 effectuent d’autres types de don (don du sang, don d’organe, don d’objets, etc.).

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Sommaire

Le contenu de cet article au format vidéo sur ma chaîne Youtube Redukadom. J’encourage toujours à lire plutôt l’article, plus précis factuellement

Le concept de don gratifiant (warm-glow giving)

Vous vous êtes sans doute déjà retrouvé dans au moins une des deux situations suivantes :

  • à l’entrée d’un supermarché, vous voyez des bénévoles des Restos du cœur interpeller chaque passant. Vous faites marche arrière et choisissez d’entrer via un autre accès. (Ça marche aussi avec les volontaires d’AIDES à la sortie de la gare.) ;
  • vous êtes allé donner votre sang, ou vous avez acheter une viennoiserie pour une personne qui mendiait devant une boulangerie, ou vous avez simplement donné quelques pièces.

Dans les 2 cas, vous avez expérimenté sans vous en rendre compte ce qu’on appelle le don gratifiant (warm-glow giving en anglais). C’est la sensation de bien-être que l’on ressent après avoir donné du temps ou de l’argent pour d’autres personnes.

Dans le cas de l’évitement d’une telle situation ou quelqu’un nous demande quelque chose, on agit justement pour éviter une sensation négative qui serait déclenchée si on disait clairement non à quelqu’un qui nous demande de l’aide.

Lorsqu’on observe les réactions physiologiques des personnes donatrices par rapport au non donatrices, on observe :

  • que leurs réseaux de récompense au niveau du cerveau sont plus activés ;
  • qu’ils sécrètent plus d’hormones bénéfiques telles que l’ocytocine, le cortisol et l’endorphine.

On utilise aussi d’autres termes pour désigner cette sensation agréable liée au fait de donner pour les autres :

  • don réconfortant,
  • plaisir de donner ;

ainsi que deux autres, moins connotés positivement :

  • égoïsme éclairé,
  • altruisme impur.

On sait par exemple que ce qui motive les personnes à donner leur sang pour d’autres, ce n’est pas l’empathie qu’ils éprouvent, ou l’envie de réciprocité (si un jour ils sont aussi dans le besoin). Mais plutôt l’anticipation de ce plaisir ressenti lorsqu’on donne, le fait de se sentir bien en donnant son sang. (Ferguson 2012)

Ce que l’on va voir maintenant, c’est que cette sensation positive peut être accompagnée d’effets à plus long terme sur votre bonheur, voire même, votre santé.

📘 Voir aussi : le don gratifiant sur Wikipédia.

Lorsqu’on donne du temps ou de l’argent pour les autres, on ressent une émotion positive et agréable.

Effet des dons

Faire preuve de générosité a un impact positif sur notre bien-être, notre satisfaction vis-à-vis de notre vie. Mais aussi possiblement sur des aspects plus précis de notre santé physique et mentale.

Dépenser de l’argent pour les autres favorise davantage le bonheur que dépenser de l’argent pour soi-même.

Une équipe de recherche de la Harvard Business School et de l’University of British Columbia (Dunn 2008)

Sur le bien-être, la qualité de vie

Des équipes de recherche partout à travers le monde déterminent ce qui rend les gens heureux. Et quelque soit le pays (développé ou non), il y a 6 facteurs qui expliquent les 3/4 du bonheur ressenti par les individus :

  1. le PIB/niveau de vie ;
  2. le réseau social ;
  3. l’espérance de vie ;
  4. la liberté dans ses choix de vie ;
  5. la générosité ;
  6. l’absence de corruption. (Helliwell 2019)

Le fait d’être généreux en donnant de l’argent a un impact important sur notre bonheur, notre bien-être. Plus les gens répondaient oui à la question “Avez-vous donné à une association caritative au cours du mois dernier ?” et plus, toutes choses égales par ailleurs, ils décrivaient un niveau de bien-être important. Et ce quelque soit le pays étudié, parmi 156 tels que :

  • la France 🇫🇷 ;
  • l’Argentine 🇦🇷 ;
  • le Congo 🇨🇩 ;
  • la Finlande 🇫🇮 ;
  • les Comores 🇰🇲 ;
  • la Syrie 🇸🇾, etc.
Faire preuve de générosité rend heureux. Impact de la générosité sur le bonheur décrit dans différents pays du monde.
Le graphique suivant montre ce qui explique le bonheur ressenti par les habitant(e)s de chaque pays. La parti en bleu clair représente la générosité : la générosité est un des 6 facteurs qui explique le plus que les gens sont heureux. J’ai coup le graphique à 13 pays, mais vous pouvez trouver le graphique complet ici avec 156 pays. Source : Helliwell 2019

Certaines études essaient de mesurer de manière plus précise l’ampleur de l’effet des dons ou d’autres comportements pro-sociaux. Elles décrivent un effet modeste (Hui 2020). Et surtout, qu’est-ce qui fait que l’effet positif du don est plus important chez certaines personnes.

Elles différencient aussi l’effet du don sur deux types différents de bonheur ressenti par les individus :

  • le bonheur hédonique : être satisfait de sa vie ;
  • le bonheur eudémonique : se sentir épanoui et trouver du sens dans sa vie. C’est, sans surprise, ce type de bonheur qui serait le plus activé grâce aux dons.

Vous avez plus de chance d’être heureux, de vous sentir bien dans votre vie, si vous donnez du temps ou de l’argent pour d’autres.

Sur la santé

Les effets du don sur la santé physique sont moins étudiés, sans doute parce qu’ils sont plus difficiles à objectiver. Ce sont surtout :

  • les femmes,
  • les personnes à la retraite,

qui ont empiriquement leur santé impactée positivement grâce au don, même si l’ampleur de l’effet semble faible. Par exemple, toutes choses égales par ailleurs, les personnes âgées vont être moins limitées fonctionnellement dans ce qu’elles peuvent faire si elles donnent régulièrement.

Donner peut avoir un impact positif sur certains paramètres de santé, particulièrement chez les femmes et les personnes à la retraite.

Quels dons font plus de bien que les autres ?

Voici différents paramètres qui augmentent les chances que donner augmente votre satisfaction vis-à-vis de votre propre vie :

  • si vous êtes une femme (Hui 2020) ;
  • si vous donnez de manière informelle (sans trop de démarches administratives) (Hui 2020) ;
  • si vous pouvez identifier spécifiquement, plutôt que statistiquement, les bénéficiaires de son don (Small 2003) ;
  • si vous pouvez communiquer avec ceux à qui vous donnez (Andreoni 2011) ;
  • si la cause servie possède une valeur sentimentale à vos yeux (Berman 2018) ;
  • si vous êtes libre d’effectuer le don, que cela ne relève pas d’une obligation réglementaire (Harbaugh 2007) ;
  • si vous n’avez pas à choisir entre plusieurs bénéficiaires potentiels (Moche 2021) ;
  • si le choix par défaut est de donner plutôt que de garder l’argent pour vous (Moche 2021) ;
  • si vous effectuez plusieurs petits dons pour différents bénéficiaires plutôt qu’un seul gros don (Singer 2011). Attention cependant : si vous donnez dans l’idée d’être le plus efficace et utile possible, dans ce cas, mieux vaut privilégier un seul gros don, pour limiter la perte d’argent et d’énergie à gérer plusieurs petits dons.
Affiche donner fait du bien par Infodon
Affiche “Donner fait du bien” réalisée par Infodon (source). Un petit bémol : les effets énoncés sont peut-être un peu trop positifs au regard de nos connaissances actuelles, et notamment des données empiriques dont on dispose.

Est-ce que le bénévolat/volontariat faut aussi du bien ?

Oui, tout à fait. Le bénévolat/volontariat consiste à donner de son temps au lieu de donner directement à des oeuvres de charité.

À noter cependant que si votre but est avant tout d’être efficace, donner de l’argent est souvent le moyen le plus direct et efficace pour sauver des vies. (J’en parle par exemple dans cet article consacrée aux missions humanitaires pour les kinés.)

Résumé : quoi faire et ne pas faire

Donner de l’argent ou à défaut du temps pour des organisations humanitaires efficaces est utile à double titre :

  • vous œuvrez à un monde meilleur. Vous pouvez litéralement sauver des vies avec quelques centaines d’euros si vous choisissez un organisme humanitaire efficace, tel que ceux sélectionnés par l’organisation GiveWell ;
  • vous augmentez vos chances d’être plus heureux, et peut-être même d’être en meilleur santé physique.

Ne culpabilisez pas parce que vous donnez aussi pour votre propre intérêt. Si vous ressentez cela : 1/ vous êtes comme tout le monde ; 2/ ça ne changera rien à l’efficacité du don monétaire que vous faites ; dans tous les cas, vous êtes utile pour d’autres (à condition de donner à des organismes humanitaires efficaces), même si vous en tirez des bénéfices au passage !

Pour ma part, je donne depuis 2021 10% de mes venues nets après impôt au Malaria Consortium. Une organisation qui permet de prévenir le paludisme en Afrique sub-saharienne (maladie qui tue encore 400 000 personnes/an, principalement des enfants). Et nous sommes plusieurs à s’être engagés à donner une part substantielle de nos revenus à des organisations efficaces, via la communauté Giving What We Can (en anglais).

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🔗 Si vous êtes comme moi kiné, cet article pourrait également vous intéresser : bien choisir sa mission humanitaire kiné.

📚 Sources

Un livre général sur le sujet (en anglais) : William MacAskill, Doing good better : how effective altruism can help you help others, do work that matters, and make smarter choices about giving back, 2016 :

Identifiées et lues grâce à Pubmed, GoogleScholar, Sci-hub et Citation Gecko :

Helliwell et al. 2019. Changing World Happiness. World happiness report.

Peter Singer, « What Should a Billionaire Give—and What Should You? », 2011

Harbaugh WT, Mayr U, Burghart DR. Neural responses to taxation and voluntary giving reveal motives for charitable donations. Science. 2007 Jun 15;316(5831):1622-5. doi: 10.1126/science.1140738. PMID: 17569866.

Dunn EW, Aknin LB, Norton MI. Spending money on others promotes happiness. Science. 2008 Mar 21;319(5870):1687-8. doi: 10.1126/science.1150952.

Étude plus solide méthodologiquement qui montre bien un effet mais plus modéré. Et qui revient sur les facteurs qui font varier l’ampleur de l’effet : Aknin LB, Dunn EW, Proulx J, Lok I, Norton MI. Does spending money on others promote happiness?: A registered replication report. J Pers Soc Psychol. 2020 Aug;119(2):e15-e26. doi: 10.1037/pspa0000191. Epub 2020 Apr 6. PMID: 32250135. Et également, cette méta-analyse : Hui BPH, Ng JCK, Berzaghi E, Cunningham-Amos LA, Kogan A. Rewards of kindness? A meta-analysis of the link between prosociality and well-being. Psychol Bull. 2020 Dec;146(12):1084-1116. doi: 10.1037/bul0000298. Epub 2020 Sep 3. PMID: 32881540.

Cela dépend des modalités du don : Hajdi Moche & Daniel Västfjäll(2021)To give or to take money? The effects of choice on prosocial spending and happiness,The Journal of Positive Psychology,DOI: 10.1080/17439760.2021.1940248

Ferguson E, Taylor M, Keatley D, Flynn N, Lawrence C. Blood donors’ helping behavior is driven by warm glow: more evidence for the blood donor benevolence hypothesis. Transfusion. 2012 Oct;52(10):2189-200. doi: 10.1111/j.1537-2995.2011.03557.x. Epub 2012 Feb 10. PMID: 22321338.

Impact sur la santé des dons à des organismes caritatifs. Yörük, B. K. (2014). Does giving to charity lead to better health? Evidence from tax subsidies for charitable giving. Journal of Economic Psychology, 45, 71-83.

Intensité de l’impact des donations sur le bonheur. Ugur, Z.B. Donate More, Be Happier! Evidence from the Netherlands. Applied Research Quality Life 13, 157–177 (2018). https://doi.org/10.1007/s11482-017-9512-0

Impact du don et volontariat sur le bien-être psychique des plus de 55 ans. CHOI, N., & KIM, J. (2011). The effect of time volunteering and charitable donations in later life on psychological wellbeing. Ageing and Society,31(4), 590-610. doi:10.1017/S0144686X10001224

Impact du don et volontariat sur la satisfaction à l’égard de sa vie. Appau, S., Awaworyi Churchill, S. Charity, Volunteering Type and Subjective Wellbeing. Voluntas 30, 1118–1132 (2019). https://doi.org/10.1007/s11266-018-0009-8

Impact sur la qualité de vie et la dépression des retraités des donations et du volontariat au cours de la vie. McMunn, A., Nazroo, J., Wahrendorf, M., Breeze, E., & Zaninotto, P. (2009). Participation in socially-productive activities, reciprocity and wellbeing in later life: baseline results in England. Ageing & society, 29(5), 765-782.

Impact du don et du volontariat sur le bien-être psychologique d’étudiants chinois : Geng Y, Chen Y, Huang C, Tan Y, Zhang C, Zhu S. Volunteering, Charitable Donation, and Psychological Well-Being of College Students in China. Front Psychol. 2022 Jan 7;12:790528. doi: 10.3389/fpsyg.2021.790528. PMID: 35069377; PMCID: PMC8777250.

Publié par Nelly Darbois

J'aime écrire des articles qui répondent aux questions des internautes en me basant sur mon expérience et des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale. J'habite en Savoie 🌄❄️ où je travaille comme kiné et créatrice de contenu pour des revues scientifiques et des sites web.