Mission humanitaire en kinésithérapie : se poser les bonnes questions

Infographie sur les missions humanitaires pour les kinésithérapeutes

Quel kinésithérapeute ou étudiant(e) en kinésithérapie n’a pas envisagé un jour de “faire une mission en humanitaire” ? Noble intention, qui conduit souvent à se documenter via internet sur les associations humanitaires sollicitant les kinésithérapeutes : elles existent.

Y a-t-il des pièges dans lesquels ne pas tomber ? Comment être sûr de s’impliquer dans un projet vraiment utile et au services des personnes auxquelles l’aide est destinée ? Quelles bonnes questions se poser avant ? Quels critères prendre en compte pour choisir un “bon” organisme humanitaire quand on est kiné ?

Cet article propose de prendre un peu plus de recul sur le sens d’une mission humanitaire. Il s’appuie sur le concept d’altruisme efficace, appliqué à la profession de kinésithérapeute (et qu’on peut facilement généraliser pour tout acteur ou actrice de la santé). Un concept passionnant, qui fait bien réfléchir, et donne des pistes concrètes pour s’engager dans l’humanitaire.

J’espère que la (re)découverte de l’altruisme efficace vous séduira et vous bousculera, dans le bon sens du terme !

  1. Faire le point sur ses motivations à se lancer dans l’humanitaire
  2. Les organismes proposant des missions humanitaires aux kinésithérapeutes
    1. Liste des associations et organismes humanitaire pour les kinés
    2. Les sites qui mettent en relation volontaires et organismes
    3. Monter soi-même son projet humanitaire ?
  3. Comment choisir le bon organisme humanitaire ?
    1. Quels critères prendre en compte ?
    2. Où trouver des évaluations fiables de chaque organisme ?
    3. Évaluation des organismes humanitaires pour les kinés
    4. Les organismes humanitaires les plus efficaces au monde
  4. Les apports de l’altruisme efficace dans le quotidien du kiné

Faire le point sur ses motivations à se lancer dans l’humanitaire

Peut-être que depuis toujours, vous avez voulu faire de l’humanitaire. Vous avez peut-être même décidé d’être kiné en partie pour pouvoir travailler dans l’humanitaire. Où alors, l’envie de vous engager dans l’humanitaire vous est venue petit à petit, au fil des années passées à l’école de kinésithérapie, ou après.

Quoi qu’il en soit, vous vous êtes déjà questionné un peu sur vos motivations à vous lancer comme kiné dans l’humanitaire. Voici celles que j’ai le plus souvent constaté chez mes collègues kiné engagés ou en désir de s’engager :

  • aider et faire du bien aux autres, particulièrement aux personnes les plus délaissées (préoccupation altruiste). C’est d’ailleurs le principal motif identifié dans les études qui s’intéressent aux motivations des personnes s’engageant dans l’humanitaire ;
  • acquérir une expérience professionnelle utile pour la suite de sa carrière (prise en charge de personnes amputées, neuropédiatrie, gestion de crise, etc.) ;
  • voyager, découvrir un nouvel environnement, une autre culture, une autre manière de vivre, gagner en ouverture d’esprit ;
  • découvrir des maladies rares et inhabituelles en France ;
  • faire de belles rencontres humaines.

Il est fort probable que plusieurs de ces motivations vous parlent. Certaines pèsent cependant sans doute plus que d’autres dans la balance. Je pense qu’il est important de les identifier avant de partir à la quête du “bon” organisme humanitaire.

L’idée de cet article n’est pas de dire qu’il y a de bonnes ou de mauvaises raisons pour s’engager dans l’humanitaire. Ni de juger positivement ou négativement vos motivations.

Mon but est le suivant : vous convaincre que si votre motivation principale est de faire preuve d’altruisme, alors vous devriez absolument accorder beaucoup d’importance au choix de l’organisme avec lequel vous partez. Il doit vous prouver qu’il fera de votre investissement un meilleur usage que tout autre, qu’il sauvera plus de vies ou évitera davantage d’années de souffrance.

Et si un tel organisme n’existe pas pour les kinésithérapeutes, alors il faudra vous interroger sur les alternatives possibles.

On peut regretter que des personnes égoïstes n’œuvrent pas au bien de l’humanité. Mais cela est beaucoup moins regrettable que de constater qu’une personne sincèrement altruiste échoue dans sa mission. Mon but avec cet article est d’éviter de vous faire tomber dans cet écueil.

Gardons en tête cependant qu’en vous renseignant sur l’humanitaire en kiné, vous faites partie de ces personnes qui ne se limitent à aider leurs proches ou les gens qui sont ou pourraient vous être utiles en retour. Vous avez déjà élargit votre horizon moral. Libre à vous d’aller plus loin dans votre engagement.

Si votre motivation n°1 à vous engager dans une mission humanitaire comme kinésithérapeute est de vous rendre utile pour les autres, alors vous devez faire en sorte de sélectionner l’organisme qui fera de votre investissement un meilleur usage que tout autre organisme.

Les associations proposant des missions humanitaires aux kinésithérapeutes

L’aide humanitaire, la philanthropie, est un très gros secteur d’activité. Il y a par exemple rien qu’aux États-Unis 1 million d’associations caritatives. Certains organismes même à visée humanitaire sont à but lucratif.

Cela soulève plusieurs problèmes :

  • il est difficile d’avoir une vue d’ensemble de l’offre de missions humanitaires dans lesquelles les kinésithérapeutes peuvent être utiles ;
  • les organismes, même de très bonne volonté, ne sont pas forcément très transparents. Il est difficile d’évaluer s’ils font vraiment du bien au regard du temps ou de l’argent investi ;
  • certaines associations peuvent aussi être des escroqueries.

Je vous propose donc dans un premier temps de dresser un panorama assez large de tous les organismes francophones qui proposent à des kinésithérapeutes de partir en mission humanitaire.

Cela sera une bonne base pour ensuite les passer au crible en fonction de certains critères.

Liste des organismes proposant des missions humanitaires pour les kinésithérapeutes

Voici la méthode que j’ai utilisé pour identifier les organismes : exploration des 5 premières pages de résultat Google à partir des requêtes suivantes :

  • humanitaire kiné ;
  • mission humanitaire kiné ;
  • organisation humanitaire kinésithérapeutes.

Voici les organismes recensés :

NomSiège socialStatutRayonnement
Kinés du mondeGrenoble, FranceAssociation à but non lucratifAfrique, Asie, Europe, France
Handicap internationalLyon, France + autres paysONG & association à but non lucratif61 pays des 5 continents
ProjectsAbroadRoyaume-Uni⚠️ À but lucratif20 pays des 5 continents
ArmadaRégion parisienne, FranceONG & association à but non lucratifMadagascar
JemavRhône, France & TogoAssociation à but non lucratifTogo
Médecins sans frontièresParis, FranceAssociation à but non lucratif70 pays des 5 continents
JVSITogo/FranceAssociation à but non lucratifAfrique de l’ouest
HelpKampuchea79, FranceAssociation à but non lucratifCambodge
HumaniTerraMarseille, FranceONGBangladesh
MajHandiLaRéunion, FranceAssociation à but non lucratifMadagascar
Liste des organismes francophones proposant des missions humanitaires spécialement dédiées aux kinésithérapeutes

Je me suis limitée aux organismes francophones car je pense que les kinés francophones qui consultent cet article préfèrent dans l’ensemble partir avec un organisme maîtrisant bien le français.

Faites attention aux organismes qui mettent en avant des missions humanitaires dédiées aux kinésithérapeutes par le biais d’annonces publicitaires sur Google. Il s’agit souvent simplement d’attirer l’œil des kinés : une fois sur le site, vous découvrez que ce sont en fait des “missions” très généralistes qui ne ciblent pas du tout les kinésithérapeutes. Un exemple :

Annonce publicitaire Google pour des missions humanitaires pour les kinés
Exemples d’annonce publicitaire sur Google. L’organisme a intitulé son annonce “humanitaire kiné”, mais il ne propose en fait pas du tout de missions ciblant spécifiquement les kinésithérapeutes.

Les sites qui mettent en lien volontaires et organismes

Vous êtes peut-être déjà tombé sur des sites mettant en lien des personnes qui cherchent à s’engager dans l’humanitaire et des organismes humanitaires. Il en existe beaucoup en français comme en anglais, par exemple guidisto-volontariat.fr.

Je ne recommande pas l’usage de ces sites car cela rajoute un intermédiaire, et donc des frais au dépend de l’action humanitaire en tant que telle.

Il existe cependant un site qui fait office d’annuaire pour les missions humanitaires francophones, et qui ne prélève pas de commissions ou de données pour mettre en relation : portail-humanitaire.org. Cet annuaire ne permet cependant pas de distinguer les organismes ciblant spécifiquement les kinésithérapeutes.

Monter soi-même son projet humanitaire ?

C’est une voie choisie par certaines personnes durant leurs études de kiné ou une fois diplômé. Cela est probablement plus chronophage, mais cela peut être bien sûr une alternative viable, si rien ne vous satisfait dans l’offre existante.

Comment choisir le bon organisme humanitaire

Si votre objectif à travers l’humanitaire est avant tout de faire le maximum de bien, alors vous serez sans doute d’accord pour dire que l’on devrait essayer de trouver des critères objectifs pour identifier les missions les plus utiles.

Un organisme ne devrait pas uniquement nous “séduire” par des belles photos et des témoignages poignants. Mais qu’est-ce qui devrait nous faire accorder notre confiance alors ?

Des organismes humanitaires essaient de convaincre des bénévoles par des photos et témoignages touchants
Organisme humanitaire qui fait appel à l’empathie d’éventuels donateurs pour encourager le don. Idéalement, on aimerait savoir précisément comment la somme donnée est utilisée (par exemple, quelle partie va aux frais de fonctionnement de l’organisme ?)

Les critères à prendre en compte

Vous avez peut-être des critères qui vous sont propres. Par exemple, vous souhaitez :

  • partir dans un pays particulier ;
  • ne pas dépenser plus d’une certaine somme d’argent au cours de la mission ;
  • prendre en charge des personnes ayant telle ou telle pathologie ;
  • observer plutôt qu’intervenir ;
  • etc.

L’objectif de cette partie n’est pas de revenir sur ces critères très personnels mais plutôt d’identifier les facteurs qui montrent que l’organisme est le plus efficace possible sur le plan humanitaire. On peut prendre en compte :

  • la cause : la mission humanitaire a-t-elle une vocation sanitaire, culturelle, ou autre ? Il y a des causes pour lesquelles il est plus facile de se mettre d’accord universellement pour dire qu’elles sont prioritaires par rapport à d’autres. Ce sont celles qui permettent de satisfaire les besoins primaires : manger à sa faim, vivre dans un endroit sécuritaire et salubre, pouvoir se soigner des maladies les plus mortelles et invalidantes. L’accès à la culture et à l’art se trouve fort compromis si ces besoins primaires ne sont pas déjà comblés.

  • le rapport entre dépenses et efficacité : combien l’organisme dépense pour quel résultat ? L’organisme évalue-t-il bien ses actions de communication et leur efficacité ? Par exemple, certains organismes humanitaires paient des publicités Facebook/Google au coût par clic élevé, pour être mieux positionné dans les moteurs de recherche. Avec l’argent issu des dons. Cette pratique permet-elle vraiment au final d’avoir un impact global positif sur la pauvreté ou sur la cause défendue par l’organisme ? L’impact des actions est-il vraiment évalué ?
Annonces publicitaires Google passée par des institutions et organismes à visée humanitaire
Un organisme et une institution à visée humanitaire qui paient les services de Google pour être plus visible. Cette pratique n’est pas mal en soi. Mais on est en droit de se demander si la publicité (payée par les dons ou les impôts) permet vraiment à l’organisme d’être plus efficace pour sauver ou améliorer des vies.
  • la transparence. Les organismes devraient partager les données permettant de tracer l’argent et l’aide qu’ils ont reçu et comment elles ont été utilisées.

3 critères doivent être pris en compte absolument pour identifier les organismes humanitaires les plus efficaces : 1/ sa transparence ; 2/ la cause qu’il dessert (besoins primaires) ; 3/ s’il évalue l’impact de ses actions.

Où trouver des évaluations fiables de chaque organisme

Sachez qu’il y a plusieurs équipes de recherche dans le monde qui effectuent justement ce travail d’évaluation de l’efficacité des organismes humanitaires. Cela permet de gagner un temps considérable lorsqu’on cherche à s’impliquer dans l’humanitaire, ou à effectuer des dons.

Un site (en anglais) permet d’accéder gratuitement à des évaluations et des classifications des organismes humanitaires les plus efficaces. Il s’agit de GiveWell. Les équipes de recherche de cet organisme caritatif basé aux États-Unis passent plus de 20 000 heures par an à calculer le nombre de vie sauvée par dollar investi par tous les organismes humanitaires mondiaux qu’ils recensent.

GiveWell est bien sûr extrêmement transparent sur la manière d’établir ces évaluations et classifications.

GiveWell est avant tout conçus pour éclairer les personnes qui souhaitent effectuer des dons en argent. Mais, comme le dit le dicton “le temps, c’est de l’argent“. En donnant de son temps lors d’une mission humanitaire, on donne indirectement de l’argent. Les évaluations de ces organismes sont donc je pense tout à fait pertinentes également pour les personnes souhaitant s’engager dans l’humanitaire.

Évaluation des organismes humanitaires pour les kinés

Que dit Givewell des organismes qui proposent spécifiquement des missions humanitaires pour les kinés (ceux recensés dans le tableau plus haut dans la page) ?

Seule l’organisation Médecin sans frontières (MSF) a fait l’objet d’une évaluation par Givewell. Voici les conclusions à son sujet :

1. Bien que MSF soit particulièrement transparente, elle n’est pas l’une des organisations les plus transparentes que nous ayons rencontrées.

2. Nous continuions à avoir une opinion positive de MSF, et nous nous attendons à là recommander dans de futures situations de secours en cas de catastrophe.

3. Nous pensons que d’autres organisations caritatives sont susceptibles de constituer une meilleure opportunité de don pour les autres situations.

Évaluation de Médecin sans frontières par Givewell

Il y a donc une incertitude quant à l’intérêt de s’impliquer dans les autres organismes ciblant les kinés. On peut être très probablement plus efficace comme kiné avec Médecin sans frontières qu’avec toutes les autres organisations repérées. Mais surtout en apportant notre aide (financière ou en temps) aux 9 organismes mondiaux humanitaires qui arrivent en tête du classement effectué et mis à jour régulièrement par GiveWell.

Nous allons maintenant voir ce top 9 des organismes humanitaires et voir dans quelle mesure ils peuvent être utiles aux kinésithérapeutes souhaitant s’engager.

  • GiveWell est un organisme qui réalise gratuitement des comparatifs des organismes humanitaires les plus efficaces au monde.
  • Parmi les organismes proposant des missions humanitaires spécifiques pour les kinés, seul Médecin sans frontière (MSF) est évalué par Givewell.
  • GiveWell recommande MSF pour les missions de secours en cas de catastrophe, mais montre que d’autres organismes sont plus efficaces dans les autres situations.

Les organismes humanitaires les plus efficaces au monde

GiveWell liste les 9 organismes humanitaires qui arrivent à sauver ou améliorer le plus de vie avec un minimum d’argent, et qui peuvent donc sauver ou améliorer plus de vies que tout autre organisme. Voici ces 9 organismes :

  1. Malaria Consortium. Le paludisme tue 400 000 personnes par an, surtout des enfants de moins de 5 ans en Afrique sub-saharienne. Un traitement injecté les 4 mois de l’année où l’épidémie est la plus élevée permet de sauver des vies.
  2. Against Malaria Foundation. Cet organisme distribue gratuitement des moustiquaires pour éviter aux populations d’être piquées par des moustiques porteurs de malaria.
  3. Hellen Keller International. Cet organisme supplémente en vitamine A les enfants de moins de 5 ans pour leur éviter de mourir ou d’être aveugle (200 000 enfants meurent chaque année d’un déficit en vitamine A).
  4. New incentives. 43 % des enfants au Nigéria ne reçoivent pas les vaccins recommandés. Ce programme incite les professionnels de santé à renvoyer les familles des bébés non vaccinés vers des lieux où ils peuvent l’être.
  5. Evidence Action. Cet organisme (et les 3 suivants) ditribuent des vermifuges pour les enfants. Cela améliore à la nutrition, la cognition, la fréquentation des écoles et même les revenus plus tard.
  6. SCI Foundation.
  7. Sightsavers.
  8. The END Fund.
  9. GiveDirectly. Ce programme donne de l’argent liquide à des familles très pauvres, principalement en Afrique, pour qu’elles le dépensent comme elles le souhaitent. De nombreux participants investissent dans des actifs commerciaux et agricoles, dans le logement et dans l’éducation. Pour 100$ donnés, 83 sont distribués à la famille.

Ces sites ne proposent pas forcément des “missions humanitaires” basées sur le bénévolat ou le volontariat, mais font au minima appel à des dons. Ils emploient également des salariés pour mener à bien ces missions, rémunérés grâce au don.

L’altruisme efficace dans les prises en charge kiné au quotidien

Dans cet article, j’encourage toute personne qui souhaite s’engager dans l’humanitaire à évaluer a priori l’efficacité de l’organisme ou de la mission dans laquelle elle s’engage. Cette démarche a un nom : l’altruisme efficace.

Voici une des manières de définir l’altruisme efficace :

S’engager dans une démarche d’altruisme efficace, c’est réfléchir de façon rigoureuse aux manières les plus efficaces de faire le plus de bien.

Définition de l’altruisme efficace

Cette démarche nous pousse à nous demander des choses comme : vaut-il mieux que je donne (chiffres réels) :

  • 100 euros à une association qui a besoin de 100 $ pour sauver une personne d’un pays en voie de développement d’un trachome, une maladie pouvant rendre aveugle, ou ;
  • 100 euros à une association qui a besoin de 50 000 $ pour entraîner un chien guide d’aveugle qui pourra aider au quotidien une personne aveugle dans un pays développé.

Il existe plusieurs ouvrages qui permettent de se questionner ainsi. Je vous recommande particulièrement L’altruisme efficace, de Peter Singer (voir plus bas).

Cette manière de penser peut faire réfléchir aux actes des kinésithérapeutes, au-delà des missions humanitaires. C’est par exemple en partie ces réflexions qui m’ont conduit à arrêter de travailler dans un service de réanimation. Pourquoi ?

J’étais régulièrement emmenée à prendre en charge plusieurs heures par semaine des personnes très âgées. Leur chance de survie était très faible, et leur chance de survie en bonne santé quasi nulle. Même si elles déjouaient tous les pronostics (et cela arrive quelques fois), il leur resterait tout au plus quelques années de vie en bonne santé.

Le coût d’une journée en réanimation est d’environ 3000 à 5000 euros. Ces personnes pouvaient rester parfois plusieurs mois en réanimation. Soit un coût de reviens de 90 000 euros par mois au minimum.

À l’époque, je ne connaissais pas encore les chiffres précis. Mais cela me paraissait profondément déraisonnable. Et il était tout autant déraisonnable d’aborder le sujet, étant d’office accusé de “vouloir tuer tous les vieux“.

Aujourd’hui, je sais qu’il faut 3 000 à 5 000 $ pour que le Malaria Consortium sauve un enfant de moins de 5 ans d’une mort par malaria, souvent sans séquelles.

Ces chiffres font réfléchir. Bien sûr, une vie humaine n’a pas de prix, et aux premiers abords, ce genre de calcul est déplacé. Chaque vie humaine a une valeur incalculable, on est bien d’accord. Mais on peut en revanche calculer ce que coûte de sauver une vie humaine.

Le temps (ou l’argent) que je donne à mon patient en réanimation, je ne pourrai jamais le donner aux enfants souffrant de Malaria.

Ce ne sont pas des réflexions faciles. Mais elles me semblent indispensable si l’on accorde de l’importance à consacrer une partie de notre vie à faire du bien : motivation qui nous a souvent conduit à devenir professionnel de santé.

Si vous souhaitez plus d’astuces sur l’optimisation de ses prises en charge de kiné libéral (notamment dans le but de donner plus, mais pas seulement !), j’ai écrit un guide sur les différentes possibilités pour augmenter ses revenus sans prendre plus de patient(e)s ni les garder moins longtemps :

L’essentiel à retenir

  1. Réfléchissez aux motivations principales qui vous font vous tourner vers l’humanitaire : altruisme, expérience professionnelle, dépaysement…
  2. Si votre motivation principale est de faire du bien, alors vous devriez accorder de l’importance au choix de l’organisme humanitaire avec lequel vous vous engagez. Il devrait pouvoir vous garantir de faire un bon investissement de votre temps – mieux que ce que font d’autres organismes.
  3. Il existe une petite dizaines d’organismes proposant des missions humanitaires spécialement pour les kinésithérapeutes.
  4. GiveWell est un organisme qui évalue l’efficacité des missions et programmes humanitaires.
  5. Seules les missions de Médecin sans frontière pour les secours d’urgence sont bien évaluées par GiveWell sur ces 10 organismes.
  6. GiveWell vous permet d’accéder gratuitement aux 9 organismes humanitaires les plus efficaces (aucun ne proposant des missions spécifiques pour les kinés).

👉 Voir aussi : donner fait du bien : pourquoi donner de l’argent pour d’autres est une des principales choses que vous pouvez faire pour être heureux.

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📕 Pour pousser encore plus loin ces réflexions, deux lectures qui m’ont marqué 📕

Impérialisme humanitaire de Jean Bricmont
17,29
  • Impérialisme humanitaire de Jean Bricmont
L’altruisme efficace de Peter Singer
19,90
  • L'altruisme efficace de Peter Singer

[Ma politique vis à vis d’Amazon est ici.]

L’ouvrage de Bricmont m’a permis il y a quelques années de prendre du recul sur ce qu’on appelle “cause humanitaire”. Trop souvent, des choix politiques tels que des interventions militaires sont justifiés pour des motifs humanitaires. Mais quand on creuse un peu, on se rend compte que ces décisions sont prises parfois hâtivement, sans analyse, sans recul, sur la base de convictions idéologiques. Notre État décide d’intervenir pour venir en aide à d’autres personnes qui ne souhaiteraient pourtant pas forcément être aidées en priorité pour ça, et encore moins de cette façon.

Quel rapport avec l’action humanitaire des professionnels de santé ? Nous sommes aussi en tant que soignant-es victimes des mêmes erreurs de jugement que celles de nos politiques. Cela peut nous conduire à être dans l’ingérence : décider à la place d’autres ce qui est bon pour eux, et donner de notre temps, de notre argent et de notre énergie pour des aides non sollicitées.

Le livre de Singer lui ne parle pas à proprement parlé d’ingérence, mais il est très complémentaire. Il présente le courant de l’altruisme efficace : quelles sont les meilleures choses à mettre en place individuellement ou collectivement pour avoir un impact le plus positif possible sur le plus grand nombre ? Pourquoi est-il moral et bon pour soi-même de raisonner de cette façon ?

Sources scientifiques

Topp SM, Price JE, Nanyangwe-Moyo T, Mulenga DM, Dennis ML, Ngunga MM. Motivations for entering and remaining in volunteer service: findings from a mixed-method survey among HIV caregivers in Zambia. Hum Resour Health. 2015 Sep 2;13:72. doi: 10.1186/s12960-015-0062-y. PMID: 26329324; PMCID: PMC4557603.

Gouda P, Kirk A, Sweeney AM, O’Donovan D. Attitudes of Medical Students Toward Volunteering in Emergency Situations. Disaster Med Public Health Prep. 2020 Jun;14(3):308-311. doi: 10.1017/dmp.2019.81. Epub 2019 Sep 2. PMID: 31475653.

Caviola et al. The Psychology of (In)Effective Altruism. 2021

photo de nelly darbois, kinésithérapeute et rédactrice web santé
Rédigé par Nelly Darbois

J’aime écrire des articles qui répondent à vos questions. En me basant sur mon expérience de kiné & rédactrice scientifique, et sur des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale.

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Publié par Nelly Darbois

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