Paralysie cérébrale chez l’adulte et vieillissement : évolution

paralysie cérébrale chez l'adulte

Vous-même, ou l’un de vos proches ou patient, adulte, est atteint de paralysie cérébrale ? Vous trouvez peut-être qu’il n’y a pas assez de documentation en français sur l’évolution de la paralysie cérébrale chez l’adulte.

C’est en tout cas le retour que j’ai eu de plusieurs personnes majeures atteintes de paralysie cérébrale, ou de leurs proches. Je constate également que les médecins ou les auxiliaires médicaux sont souvent gênés à l’idée d’aborder le sujet de l’évolution de la paralysie cérébrale, du vieillissement.

Restreindre l’accès aux informations part d’une bonne intention de vouloir protéger les personnes, leur entourage. Mais cela est discutable : en faisant cela, nous décidons à la place des personnes de ce qui est bon pour elles.

Cet article a pour objectif de pallier à ce manque. Pour l’élaborer, je me suis comme à mon habitude basée sur :

  • les questionnements les plus fréquents des personnes atteintes de cette pathologie (un merci particulier à Crevette de Mars 🙂) ;
  • mon expérience ponctuelle depuis plus de 10 ans de kiné en neuropédiatrie, mais aussi auprès de personnes adultes atteintes de divers troubles neurologiques ;
  • des recherches approfondies dans la littérature médicale internationale (toutes les références en fin d’article).

J’espère que cet article répondra à certaines de vos interrogations. Si vous avez des questions, des remarques, des témoignages des conseils, n’hésitez pas à en faire part publiquement en laissant un commentaire. Cela pourra profiter à d’autres personnes. Et je n’hésiterai pas à mettre à jour l’article en conséquence.

♻️ Dernière mise à jour de l’article : juillet 2023. 👩‍⚖️ Liens d’intérêt financier avec le sujet : aucun. Ma déclaration de liens d’intérêt complète est en mentions légales. Rédigé par Nelly Darbois, kiné et rédactrice scientifique

Si vous êtes plus à l’aise avec le format vidéo

Les différents types de paralysie cérébrale chez l’adulte

On retrouve les mêmes formes de paralysie cérébrale (ou infirmité motrice cérébrale) chez l’adulte que chez l’enfant :

  • des paralysies cérébrales légères comme plus sévères ;
  • des paralysie cérébrale dyskinétique, athétosique, spastique ;
  • des monoplégies, diplégies (= paraplégie), triplégies, tétraplégies (=quadriplégie) ou tétraparésie ;
  • des syndromes de Little (ou maladie de Little).

Cet article donne des informations générales sur toutes les formes de paralysie cérébrale. Toutes peuvent concerner des adultes.

Quelle est l’espérance de vie d’un adulte atteint de paralysie cérébrale ?

De nos jours, la majorité des enfants qui naissent avec une paralysie cérébrale (ou infirmité motrice cérébrale) ont une espérance de vie similaire à celle de la population générale (Bagazgoïtia 2021).

L’espérance de vie des personnes atteintes spécifiquement du syndrome de Little ou de la maladie de Little est aussi similaire à celle de la population générale.

De plus, même si l’état fonctionnel présente une légère diminution avec l’âge, il ne faut pas s’attendre à des changements significatifs ou brutaux. Il est possible de garder une bonne qualité de vie, longtemps. (Turk 2009)

Comment évolue notre bien-être quand on est un adulte porteur de paralysie cérébrale ?

Une équipe de recherche s’est intéressée à l’évolution de 164 jeunes, de leur enfance jusqu’à leur 22 à 27 ans (Bagazgoïtia 2021). Leur bien-être psychologique diminuait de manière linéaire de 0,78 point (échelle 0-100) par an sur cette période. En revanche leur satisfaction vis-à-vis de leurs relations sociales augmentait.

Les déficits moteurs avaient plus d’impact négatif que les déficits intellectuels. Les douleurs fréquentes réduisent significativement le bien-être psychologique, et les crises étaient associées à une baisse de la qualité de vie dans le domaine des relations sociales.

Fait intéressant : un groupe d’individus à l’inverse voit sa qualité de vie s’améliorer chaque année sur cette période. Être réaliste n’empêche pas d’être optimiste : vous ou votre proche peut faire partie de ce groupe de personnes !

Quelques facteurs qui, toutes choses égales par ailleurs, sont en lien avec une meilleure qualité de vie décrite :

  • faire des études à l’université ;
  • être en couple ;
  • avoir des relations sexuelles. (Maestro 2018)

Comment évolue la spasticité dans la paralysie cérébrale de l’adulte ?

La spasticité peut-elle disparaître ? C’est une des questions que je reçois le plus fréquemment de la part de personnes souffrant de spasticité.

Si l’évolution type de la spasticité chez l’enfant porteur de paralysie cérébrale est étudiée et connue, je n’ai trouvé aucune publication s’intéressant spécifiquement à l’évolution de la spasticité cérébrale chez l’adulte.

Mon expérience me laisse penser que la spasticité est relativement stable une fois adulte. Certaines personnes continuent à prendre des traitements médicamenteux ou orthopédiques pour limiter son impact négatif, tandis que d’autres les arrêtent. Mais cela est plutôt dû à une balance bénéfice/risque peu favorable plutôt qu’à une diminution “naturelle” de la spasticité.

Quelles sont les spécificités de notre vieillissement quand on a une paralysie cérébrale ?

Dans cette partie, je fais le point sur trois phénomènes et leurs conséquences :

  • le déclin de la plasticité cérébrale avec l’âge : cela n’est pas spécifique aux personnes porteuses de paralysie cérébrale ;
  • l’apparition d’un vieillissement “précoce” en cas de paralysie cérébrale ;
  • le syndrome post-handicap, qu’on distingue parfois du vieillissement précoce.

La plasticité cérébrale change au fil du temps

Il y a une différence entre le cerveau des enfants atteints de PC par rapport au cerveau des adultes atteints de PC. Une différence qui n’est pas spécifique au personnes porteuses de PC, mais qui existe tout autant dans la population générale : plus on avance en âge, et moins notre cerveau arrive à récupérer et se restructurer. Et donc, à acquérir ou développer de nouvelles capacités : endurance à l’effort, mémoire, apprentissage d’une nouvelle activité sportive, etc.

C’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale.

Elle est maximale autour des 4 à 8 ans de l’enfant, puis diminue légèrement au fil des années. En tout cas pour ce qui est du ressort des capacités cognitives et sociales. La plasticité est maximale pour l’acquisition du langage avant, autour des 1 ans de l’enfant.

Évolution de la plasticité cérébrale au fil des années chez les personnes porteuses de paralysie cérébrale ou non. Graphique.
Schéma qui montre l’évolution de la plasticité cérébrale en fonction de l’âge. Elle est maximale autour des 4-8 ans pour les fonctions cognitives et sociales, puis diminue au fil des ans. Ce n’est pas spécifique aux personnes atteintes de paralysie cérébrale.

Cela ne signifie pas qu’il est impossible de progresser en quoi que ce soit quand on avance en âge. Mais simplement qu’il faut plus d’effort. Ce schéma l’illustre :

Courbes montrant que la plasticité cérébrale diminue avec l'âge, et qu'il faut donc plus d'effort pour acquérir de nouvelles capacités.
De nombreuses études menées sur l’animal et l’humain montrent que la plasticité cérébrale est plus forte dans les premières années qui suivent la naissance. En conséquence, il est plus facile et moins coûteux d’arriver à constituer des circuits neuronaux plus forts dans les premières années de la vie. Source : Harvard.edu (traduction de mon fait)

Lorsqu’on découvre ces données adultes, on se dit parfois : “ah, mais si j’avais su, j’aurais fait comme ci ou comme ça, les choses auraient été différentes“. Je comprends tout à fait cette réaction. Mais elle peut susciter de la tristesse, du regret.

Pourtant, rien ne dit qu’en connaissant par cœur ces informations, vous auriez réussi à mettre en face des solutions efficaces pour mieux profiter de la plasticité cérébrale. De nombreux facteurs auraient en effet pu entraver cette envie :

  • les effets secondaires liés aux traitements ;
  • le manque de motivation ;
  • le manque de temps ou d’argent ;
  • l’envie de prioriser la qualité de vie, le bien être, l’intégration plutôt que la récupération physique à tout prix.

📚 Source principale : cerebralpalsyguide.com

Pourquoi parle-t-on de vieillissement prématuré ?

Pour les personnes atteintes de PC, l’âge adulte s’accompagne souvent d’un vieillissement prématuré. Cet état se caractérise par l’apparition précoce de signes de vieillissement avant d’atteindre réellement la vieillesse.

Ils surviennent le plus souvent entre 20 et 40 ans. Cela est dû à l’effort excessif et au stress que leur corps subit simplement pour accomplir les tâches quotidiennes (comme monter quelques marches d’escalier).

En effet, en cas de paralysie cérébrale, on utilise jusqu’à cinq fois plus d’énergie que les autres personnes pour marcher ou se déplacer.

Les symptômes du vieillissement prématuré sont les suivants :

  • augmentation de la douleur ;
  • difficulté à marcher ou raideur musculaire ;
  • risque accru de chute ;
  • problèmes de santé dentaire
  • effets secondaires à long terme des médicaments ou des chirurgies.

⚠️ Bien sûr, cela ne veut pas dire que toute les personnes avec PC seront touchées par ces symptômes !

1/4 des personnes qui étaient en capacité de marcher enfant perdront cette capacité une fois adulte. Cela signifie tout de même que la grande majorité (les 3/4) ne la perdra pas ! La plupart du temps, l’arrêt de la marche est lié à l’apparition de l’arthrose, source de douleurs ou déformations. La perte de la marche est plus fréquente chez les personnes avec paralysie cérébrale bilatérale plutôt qu’unilatérale. (Opheim 2009)

La dernière sphère qui est peut être touchée avec le vieillissement est celle de la déglutition (dysphagie). Elle peut se manifester ainsi (encore une fois, seul une faible proportion de personnes sont concernées) :

  • toux pendant ou juste après avoir mangé ou bu ;
  • fuite ou blocage d’aliments ou de liquides dans la bouche ;
  • pneumonie ou congestion thoracique récurrente ;
  • perte de poids, mauvaise alimentation ou déshydratation ;
  • une gêne ou un manque de plaisir à manger ou à boire dans des situations sociales.

📚 Source principale : cerebralpalsyguide.com

Le syndrome post-handicap

Il s’agit d’une affection assez courante chez les adultes atteints de paralysie cérébrale. Il peut être difficile de l’identifier, car nombre de ses symptômes ressemblent à ceux de la paralysie cérébrale et d’autres affections connexes.

Les symptômes du syndrome de post-handicap sont les suivants :

  • faiblesses dues à des anomalies musculaires, des déformations osseuses, du surmenage ou de l’arthrose ;
  • une douleur augmentée ;
  • de la fatigue ;
  • des microtraumatismes répétés.

La meilleure façon de le prévenir est d’augmenter tout au long de la vie de manière très progressive et régulière les activités physiques ou intellectuelles que l’on pratique. De ne pas hésiter à lever le pied (sans tout arrêter) dès que l’on sent que l’on commence à ressentir une gène ou de la fatigue.

Ces conseils sont d’ailleurs valables pour tout le monde – PC ou pas -, mais chez les personnes avec PC, les conséquences sont potentiellement plus impactantes.

Je me doute qu’il est peut être frustrant de tomber sur cet article qui fait un constat descriptif de l’existant, mais ne donne pas des pistes concrètes pour maximiser les chances d’évoluer vite et bien.

Même si savoir le “pire scénario” peut possible peut permettre d’anticiper les choses, de s’y préparer, ou d’être heureux de ne pas être concerné.

Je suis en train cependant de rédiger un article qui traite spécifiquement de ce sujet : qu’attendre de la rééducation, de la kinésithérapie, de l’appareillage quand on est adulte porteur de PC.

Si vous êtes abonné au blog, vous serez informé de sa publication par mail. Sinon, revenez simplement régulièrement par ici, je ferai un lien dès qu’il sera mis en ligne.

En attendant, si vous avez des remarques ou questions, l’espace commentaire est là pour cela.

Quelques raisons de tout de même sourire à l’âge adulte

Voici quelques raisons de sourire à l’idée d’entrer dans l’âge adulte malgré la paralysie cérébrale :

  • la maladie en soi n’est pas progressive. Elle ne s’aggrave pas avec le temps ;
  • l’espérance de vie est comparable à celle de la population générale ;
  • l’âge adulte peut être marqué de nombreuses étapes exaltantes, comme le fait de marcher de façon autonome pour la première fois, de pouvoir conduire, d’obtenir un diplôme, d’accès à un premier emploi, d’avoir un enfant, etc. ;
  • plus les décennies passent, et plus le quotidien est facile ;
  • il est possible d’être source de motivation, d’admiration ou d’inspiration pour de nombreuses personnes (porteuses ou non d’un handicap).

Il est important de se rappeler que l’âge adulte peut être un processus difficile et épuisant pour toute personne, porteuse d’un handicap ou non.

En gardant une attitude positive et en faisant preuve de détermination, les personnes atteintes de paralysie cérébrale peuvent entrer dans l’âge adulte en se sentant enthousiastes pour le voyage qui les attend.

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Je vous laisse aussi découvrir mes ebooks conçus sur la base des questionnements les plus fréquent(e)s des patient(e)s qui consultent mon site internet :

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📘 Sources scientifiques

Y a-t-il plus de recherche sur les enfants et la paralysie cérébrale (PC) plutôt que les adultes et la PC ? C’est clairement le cas : plus de 10 fois plus sur les enfants. Voici par exemple une approximation du nombre de publications sur les adultes VS les enfants :

Qualité de vie, espérance de vie

Maestro-Gonzalez A, Bilbao-Leon MC, Zuazua-Rico D, Fernandez-Carreira JM, Baldonedo-Cernuda RF, Mosteiro-Diaz MP. Quality of life as assessed by adults with cerebral palsy. PLoS One. 2018 Feb 5;13(2):e0191960. doi: 10.1371/journal.pone.0191960. PMID: 29401489; PMCID: PMC5798822.

Vidart d’Egurbide Bagazgoïtia N, Ehlinger V, Duffaut C, Fauconnier J, Schmidt-Schuchert S, Thyen U, Himmelmann K, Marcelli M, Arnaud C. Quality of Life in Young Adults With Cerebral Palsy: A Longitudinal Analysis of the SPARCLE Study. Front Neurol. 2021 Nov 1;12:733978. doi: 10.3389/fneur.2021.733978. PMID: 34790161; PMCID: PMC8591289.

Turk MA. Health, mortality, and wellness issues in adults with cerebral palsy. Dev Med Child Neurol. 2009 Oct;51 Suppl 4:24-9. doi: 10.1111/j.1469-8749.2009.03429.x. PMID: 19740207.

Capacités

Opheim A, Jahnsen R, Olsson E, Stanghelle JK. Walking function, pain, and fatigue in adults with cerebral palsy: a 7-year follow-up study. Dev Med Child Neurol. 2009 May;51(5):381-8. doi: 10.1111/j.1469-8749.2008.03250.x. Epub 2008 Feb 3. PMID: 19207296.

Morgan P, McGinley J. Gait function and decline in adults with cerebral palsy: a systematic review. Disabil Rehabil. 2014;36(1):1-9. doi: 10.3109/09638288.2013.775359. Epub 2013 Apr 17. PMID: 23594053.

Spasticité

Flanigan M, Gaebler-Spira D, Kocherginsky M, Garrett A, Marciniak C. Spasticity and pain in adults with cerebral palsy. Dev Med Child Neurol. 2020 Mar;62(3):379-385. doi: 10.1111/dmcn.14368. Epub 2019 Oct 10. PMID: 31602643.

Vécu personnel

Mudge S, Rosie J, Stott S, Taylor D, Signal N, McPherson K. Ageing with cerebral palsy; what are the health experiences of adults with cerebral palsy? A qualitative study. BMJ Open. 2016 Oct 13;6(10):e012551. doi: 10.1136/bmjopen-2016-012551. PMID: 27737885; PMCID: PMC5073482.

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