Pour plusieurs raisons, j’ai à coeur de rédiger cet article à destination avant tout des parents (ou potentiels futurs parents) d’enfants porteurs de trisomie 21 (ou trisomiques, ou atteints du syndrome de Down, selon l’appellation que vous préférez).
Et plus précisément, sur le développement moteur et les conséquences sur la vie quotidienne.
En essayant d’être la plus factuelle possible, sans pour autant dramatiser les choses, ou insister sur les aspects “négatifs” de cette différence génétique.
Je vais essayer d’être la moins maladroite possible, et je m’excuse par avance si des formulations ou des affirmations faites dans cet article vous choquent, vous gênent ou vous font de la peine. Vous pouvez m’en informer en commentaire et je modifierai l’article en conséquence.
Je vais répondre aux questions les plus fréquentes des proches d’enfants concernés par cet handicap, avec mon regard et ma casquette de kiné, et de personne sensible aux handicaps sous toutes leur forme et à la thématique de l’inclusion.
Nous disposons de données récentes publiées dans la littérature médicale internationale (références en fin d’article), et j’ai cherché à les rendre accessibles.
Puissent-elles vous être utiles 🙂 !
Des questions, des remarques : je vous réponds toujours en commentaire !
♻️ Dernière mise à jour : juillet 2023.
👩⚖️ Déclaration de liens d’intérêts financiers : aucun en lien direct avec le sujet. Ma déclaration de liens d’intérêt complète est en mentions légales.
Sommaire
Pourquoi cet article sur la trisomie 21, le développement et la vie quotidienne ?
Je suis kinésithérapeute depuis 2012. Je ne suis pas kiné spécialisée en pédiatrie, mais je prends tout de même en charge de temps en temps des nourrissons, enfants ou adultes porteurs de trisomie 21.
Principalement pour :
- des épisodes de bronchiolite et d’autres problèmes respiratoires aigüs ;
- de la rééducation neuromotrice avant l’âge de la marche ;
- de la rééducation suite à une fracture ou à un autre problème.
Je vois ces personnes à leur domicile, dans ma commune, puisque je suis kiné à domicile.
Je suis aussi intervenue quelques temps dans des institutions accueillant en internat ou externat des personnes porteuses d’handicap, et notamment des personnes trisomiques : Centre d’éducation motrice, Maison d’accueil spécialisée, Institut médico-éducatif.
Je suis donc au contact régulier de ces personnes porteuses de trisomie 21 et de leurs familles. Et encore plus ponctuellement d’autres qui ont décidé d’interrompre une grossesse en ayant appris un diagnostic de trisomie 21, ou qui ont fait adopter leur enfant.
Et je constate des différences énormes dans leur façon de vivre le quotidien (ou l’anticipation du quotidien).
La plupart du temps, toutes me disent avoir “souffert” à un moment ou à un autre du manque d’informations disponibles en français au sujet de la vie avec la trisomie 21, des étapes de développement.
Certaines familles savent qu’il existe des associations dédiées à la trisomie 21 (liens en fin d’article), ou des comptes sur les réseaux sociaux (liens en fin d’articles), mais ne souhaient pas forcément entrer en contact ou consulter ces ressources.
D’où cet article, destiné avant tout aux personnes qui cherchent des informations par leur moteur de recherche sur le développement et les conséquences au quotidien de la trisomie 21.
À titre plus anecdotique, j’ai été dès l’âge de 6 ans au contact quotidien et rapproché d’une camarade de classe porteuse de trisomie 21. J’étais assez à l’aise à l’école, et la maîtresse m’avait demandé durant 2 ans, en CP et CE1, d’assister cette camarade. Il n’y avait pas d’adulte pour l’aider à l’école, sauf sa maman de temps en temps; c’était en 1996/1997.
C’est une des expériences de mon enfance dont j’ai le plus de souvenirs, et j’y repense souvent. Je ne pourrais pas dire que c’était une “belle” expérience, ou au contraire une expérience “traumatisante”. Simplement marquante, questionnante, et difficile par moment.
Je ne sais pas si cela est en partie ou non lié à cette expérience, mais j’ai toujours été à l’aise en général ensuite avec des personnes porteuses de “déficience intellectuelle” ou de “différence comportementale”, toute origine confondue (trisomie, paralysie cérébrale, autisme, etc.).
Quelles sont les conséquences de la trisomie 21 sur le développement moteur d’un bébé, enfant, adulte ?
Il est connu et décrit qu’en général (car, comme dans la population générale, il y a toujours des exceptions et des gens aux deux extrêmes), chez les personnes trisomiques :
- les acquisitions motrices “fondamentales” (attraper des objets, ramper, tenir assis, marcher, etc.) se font en moyenne plus tard. On parle parfois en termes médical de “retard moteur” ;
- certaines n’acquièrent jamais des compétences motrices qu’acquérissent la plupart (mais pas toutes) les personnes non porteuses de trisomie 21. Par exemple, faire du vélo à 2 roues, à pédales, sans roulettes ou nager. D’autres au contraire excellent dans ces domaines, et son bien meilleurs que la moyenne des gens sans trisomie 21.
Quelle est l’ampleur de ce retard, lorsque retard il y a ? Nous avons justement des chiffres précis à ce sujet.
Vous connaissez les courbes pour le suivi de l’évolution du poids et de la taille de votre bébé puis de votre enfant ? Qui indiquent comment évolue le poids en moyenne chez les enfants du même âge et de la même génération?
Et bien, nous disposons des mêmes types de courbes pour le développement moteur des nourrissons, bébés et enfants porteurs de trisomie 21.

Que nous disent ces courbes ?
- La courbe grise montre l’âge médian d’acquisition de l’étape. C’est-à-dire que la moitié des bébés porteurs de trisomie 21 acquièrent cette étape de développement avant cet âge, et l’autre moitié après cette âge.
- Par exemple, la marche sans se tenir à quelque chose et sans se donner la main sur au moins 5 mètres est acquise chez la moitié des enfants porteurs de trisomie 21 avant 24 mois, et chez la moitié après 24 mois.
- La position assise est acquise chez la moitié avant 10 mois, chez l’autre moitié après 10 mois.
- La courbe orange montre le premier quartile d’acquisition. C’est à dire qu’1 bébé sur 4 porteur de trisomie 21 acquiert la compétence avant la date indiquée.
- Par exemple, 1 bébé sur 4 trisomique rampe avant 14 mois
- La courbe violette indique que 5% des enfants porteurs de trisomie 21 acquiert l’étape plus tard que l’âge indiqué (ou ne l’atteignent pas).
- Par exemple, 5 % des enfants porteurs de trisomie ne marchent pas en se tenant les 2 mains sur un support avant l’âge de 35 mois (environ 3 ans). Et donc, 95 % y arrivent avant 3 ans !
- La courbe bleue indique que 5 % des bébés acquiert la compétence avant l’âge indiqué.
- Par exemple, 5 % des bébés trisomiques marchent 5 mètres sans aide avant l’âge de 18 mois.
On dispose des mêmes courbes pour les étapes motrices d’après :
Ces courbes nous apprennent par exemple qu’1 enfant sur 2 porteur de trisomie 21 arrive à sauter avant l’âge de 40 mois (un peu plus de 3 ans). Et que descendre les escaliers 1 marche après l’autre est une des acquisitions motrices les plus difficiles, bien que 95 % des enfants porteurs de trisomie 21 y arrivent avant 9 ans.
Ces courbes montrent aussi que les enfants progressent longtemps et acquièrent au fil des années plein de nouvelles capacités 💪 !
Dire cela est à double tranchant : 1/ c’est interprété positivement par certains parents ; 2/ d’autres peuvent moins aimer la valorisation de l’acquisition des compétences motrices, forme de validisme.
Autre point important soulevé par cette équipe de recherche, et dont nous reparlerons : quelque soit l’âge à partir duquel les enfants commenent des séances de rééducation motrice (avec kiné, ergothérapeute, psychomotricien(ne) ou autre), cela n’avait pas d’influence statistique sur l’âge.
Information qui peut rassurer les parents qui pour une raison ou une autre, commencent tard la kinésithérapie (ou ne commencent jamais : cela arrive aussi !).
Enfin, l’équipe de recherche conclue aussi qu’il y a une très grande variabilité entre les bébés et enfants dans l’âge d’acquisition : certain(e)s acquièrent des compétences motrices “fondamentales” (comme tenir assis) des années avant d’autres. Variabilité beaucoup plus importante que dans la population générale.
Une étude polonaise conclut que la différence dans le développement des capacités motrices (entre enfant porteur de trisomie 21 et enfant non porteur) augmente avec l’âge. Elle est d’environ 2 ans chez les enfants âgés de 5 ans. (Malak 2015)
Cette étude polonaise (menée sur un échantillon plus petit d’enfants) donne des chiffres différents. Par exemple, seulement 10 % des enfants de moins de 3 ans pouvaient se tenir debout. Et la plupart acquièrent la marche après 3 ans.
Nous disposons aussi de chiffres similaires qui montrent la grande variabilité entre enfants dans d’autres sphères. Par exemple :
- l’âge moyen d’apparition du babillage est d’environ 15 mois, avec une variabilité interindividuelle de 10 mois ;
- le contrôle du sphincter est acquis par les enfants trosimiques à un âge approximatif de 44 mois, avec une variabilité interindividuelle de 22 mois ;
- certains enfants sont non verbaux alors que chez d’autres le vocabulaire est proche de la normale.
Source : Windsperger 2021
Pourquoi les compétences motrices sont différentes chez les personnes trisomiques ?
Plusieurs choses expliquent que les personnes trisomiques évoluent différemment, notamment sur le plan moteur. Ces choses se produisent surtout à partir des 6 mois du bébé :
- troubles de la maturation du système nerveux central,
- modifications de la forme et du nombre des neurones et modifications de la taille du cerveau ;
- processus conduisant à une diminution de la libération des neurotransmetteurs ;
- tonus musculaire moins important ;
- plus souvent atteints de “petites maladies” d’origine virale, ou autre ;
- laxité des tendons importante : ce qui confère une très grande souplesse !
Est-ce qu’il y a un lien entre développement moteur et développement cognitif ?
Les enfants porteurs de trisomie 21 qui acquièrent moins vite des compétences motrices sont aussi plus susceptibles d’avoir des difficultés dans l’acquisition des compétences cognitives.
Et inversement : celles et ceux qui ont plus de facilité sur le plan moteur ont aussi plus de facilités cognitives.
Source : Malak, 2013
Quelles sont les conséquences de la trisomie 21 sur la vie quotidienne ?
À force de discuter avec des proches de personnes porteuses de trisomie 21, 3 thématiques de préoccupation reviennent le plus souvent (en plus du développement moteur, surtout source de questionnement les premières années) :
- le degré d’autonomie à l’âge adulte (et la scolarité, que je ne traiterai pas dans cet article) ;
- l’espérance de vie :
- le bien-être de leur proche porteur de trisomie et de leur famille.
Je vais donc détailler ces 4 points, en m’appuyant autant que possible sur les études publiées, qui permettent d’avoir accès à un échantillon beaucoup plus large et précis de personne qu’une “simple” expérience personnelle ou professionnelle. Études réalisés dans des pays “développés”.
Je ne parle pas ici des préoccupations des personnes porteuses de trisomie 21 car je n’ai rien remarqué à ce sujet de spécifique : si les proches se posent souvent les mêmes questions, et des questions différentes de celles des enfants sans handicap, ce n’est pas le cas des personnes elles-mêmes… qui se posent les mêmes questions que tout le monde, ou pas de question particulière, selon mon expérience 🙂.
Autonomie à l’âge adulte
L’association française Trisomie 21 France réalise des enquêtes au sujet de l’autonomie des adultes porteurs de trisomie 21 par le biais de ses antennes départementales.
Ces données sont intéressantes et nécessitent sans doute un travail colossal. Elles restent à généraliser avec prudence, car les personnes membres de ces associations ne sont pas forcément représentatives de la population générales des proches de personnes atteintes de trisomie 21.
Voici quelques données tirées de cette enquête :
- TRAVAIL : 41 % des personnes interrogées ont un emploi :
- 57 % en ESAT ;
- 43 % en milieu ordinaire :
- surtout dans l’hôtellerie/restauration ;
- puis dans le secteur de la propreté, l’entretien ou la blanchisserie ;
- ou dans le conditionnement ou la manutention ;
- 87 % travaillent moins de 30 heures par semaine ;
- LIEU DE VIE :
- 73 % des personnes interrogées vivent avec leurs parents (près de 60% des répondants ont 25 ans ou moins. Seuls 10,5% des répondants ont plus de 40 ans) ;
- 12,8% vivent seuls, en couple ou en colocation ;
- 14% résident en foyer (ou en internat) ;
- RELATIONS SOCIALES
- 16,2% des répondants indiquent avoir beaucoup d’amis ;
- 19,8% n’ont pas d’amis ;
- la majorité des répondants (64%) indiquent avoir quelques amis ;
- 33% des répondants de plus de 40 ans ont déjà une relation amoureuse ;
- LOISIRS ; les 5 principales activitées les plus appréciées citées sont :
- Ecouter de la musique : 86%
- Regarder la télé : 64%
- Surfer sur Internet : 60,5%
- Chanter : 60,5%
- Faire un bon repas : 55,8%
Voici un extrait de la façon dont l’association discute ces résultats, en argumentant sur la base d’autres données notamment économiques provenant d’autres pays :
Nous considérons ainsi qu’une orientation en IME pour un enfant de moins de 12 ans devrait être une orientation de dernier recours, effectuée uniquement à la demande des parents et dans l’intérêt de l’enfant, notamment en cas de souffrances avérées de l’enfant en école ordinaire, et ce, seulement après avoir d’abord tenté de mettre en place toute une gamme de solutions alternatives
Association Trisomie 21
Au Danemark, 1-2% de personnes trisomiques sont mariées ou ont un enfant ; elles sont plus nombreuses chez les personnes avec trisomie en mosaïque qu’avec une trisomie libre et homogène (95 % des cas) (Zhu 2014)
Aux États-Unis, au moins un parent s’est arrêté de travailler dans 40 % des familles composées d’au moins un enfant porteur de trisomie 21. (Schieve 2012)
Espérance de vie
L’espérance de vie des personnes atteintes de trisomie 21 a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. Voici un graphique qui l’illustre :

Ce graphique montre que dans les années 2000 aux États-Unis, les personnes porteuses de trisomie 21 décédaient en moyenne vers 45 à 50 ans, et certaines bien après 60 ans. Alors que dans les années 1930 à 1970, l’espérance de vie était plutôt autour des 10 ans.
Ces évolutions s’expliquent surtout par une meilleure prise en charge dans la période néo-natale pour les bébés de faible poids, ou atteints de malformations cardiaques.
Cet autre graphique montre qu’en 2008, aux États-Unis, certaines personnes porteuses de trisomie 21 avaient plus de 80 ans :
L‘espérance de vie moyenne des personnes porteuses de trisomie 21 qui naissent dans les années 2020 en France est probablement autour des 50 à 60 ans, voire plus.
Bonheur, bien-être, qualité de vie : que sait-on ?
Lorsqu’on s’investit beaucoup pour qu’un de nos proches acquiert de nouvelles compétences et de l’autonomie, il me semble qu’on le fait avec l’idée derrière que cela améliorera sa qualité de vie / son bonheur.
Il me semble logique a priori de penser que toutes choses égales par ailleurs, une personne plus autonome (sans dépendre de tiers) a plus de chance de se sentir bien.
Il existe quelques dizaines d’études qui évaluent justement la qualité de vie des personnes porteuses de trisomie 21.
Voici les propos d’une équipe de recherche au Royaume-Uni qui a justement synthétisé les connaissances sur la qualité de vie à l’âge adulte, en 2023 (Ann Ijezie et al. 2023) :
Seules 7 études (17,94 %) indiquent que les adultes atteints du syndrome de Down ont une bonne qualité de vie centrée sur l’autodétermination et les relations interpersonnelles.
Ann Ijezie 2023
La plupart des adultes atteints du syndrome de Down souhaitaient devenir plus indépendants, avoir des relations, participer à la vie de la communauté et exercer leurs droits fondamentaux.
La qualité de vie déclarée par les adultes atteints du syndrome de Down était jugée plus élevée que la qualité de vie déclarée par les intermédiaires (proches, professionnels).
Et une autre équipe, cette fois argentine, qui a fait le même travail mais chez les enfants (Fernández Scotto 2023), avec des questionnaires et façons d’évaluer la qualité de vie bien sûr spécifique à cette tranche d’âge :
Cette étude a montré que les enfants âgés de 2 à
Fernández Scotto 2023
4 ans atteints du syndrome de Down ont une qualité de vie moins bonne
par rapport à leurs pairs sans syndrome de Down. Particulièrement dans les sphères sociales et scolaires.
Ces résultats ne doivent selon moi pas être interprétés comme “on est forcément plus malheureux” quand on est trisomique. Il s’agit de moyennes, de tendances statistiques.
Vous trouverez de nombreux contre-exemples de personnes porteuses de trisomie 21 très épanouies et bien dans leur bottes ; bien plus heureuses que certaines personnes sans aucun handicap physique ou mental.
Il n’empêche, je sais qu’il est important pour certaines familles d’avoir accès aux “vrais chiffres”, sans qu’on sente qu’on leur “cache” quelque chose pour les protéger.
Quels sont les facteurs qui sont les plus susceptibles d’affecter la qualité de vie ? Et bien sans surprise, ce sont les mêmes facteurs que dans la population générale. Chez les adolescent(e)s par exemple :
- le fait de se sentir seul, sans amitié, ou avec moins de 3 amis (par rapport au fait de déclarer avoir au moins 3 amis) ;
- avoir plusieurs maladies et affections médicales.
(Haddad 2018)
Voici les facteurs retrouvés chez les enfants de 5 à 12 ans porteur de trisomie 21 dont les parents déclarent une qualité de vie de leur enfant moins bonne (Fuca 2022) :
- faible QI,
- raisonnement analogique moins bon,
- capacités d’adaptation moins bonnes,
- comportements difficiles plus fréquents,
- comportement plus ritualisé/simulé,
- davantage de symptômes autistiques.
Qu’est-ce qui peut expliquer ces difficultés sociales parfois, en plus bien sûr des problématiques liées à l’inclusion ? Les enfants et adultes porteurs de trisomie ont tendance à être plus sociables, aimables, affectueux, empathiques, souriants, et ont une bonne aptitude à nouer des relations. Ils sont également décrits comme têtus, peu conciliants, et abordant les étrangers de manière inappropriée. (Windsperger 2021)
Là encore, il s’agit de tendances, avec des personnes aux 2 extrèmes.
Cette équipe de recherche insiste sur ce point important :
Bien que la trisomie 21 soit étudiée depuis longtemps, c’est-à-dire depuis 155 ans, il reste l’un des syndromes génétiques d’identification les moins bien compris.
La raison la plus importante en est le haut degré de variabilité phénotypique observé dans la population trisomique, un problème dont les professionnels ne sont souvent pas conscients lorsqu’ils discutent du diagnostic avec les futurs parents.
Les variables de résultats ne sont pas complètement intactes ou altérées de manière uniforme tout au long du développement, mais se manifestent par des variations à un stade précoce, qui peuvent être amplifiées avec l’âge, pour finir par constituer soit une force, soit une faiblesse.
Windsperger 2021
Quelle rééducation pour une personne porteuse de trisomie 21 et qu’en penser ?
Voici quelques informations et réflexions sur la rééducation qui est proposée aux personnes trisomiques, notamment en France.
La proposition de prise en charge rééducative en France
En France, on prescrit et recommande des séances de rééducation pour la plupart des bébés puis enfants qui naissent avec une trisomie 21. Parfois, la prise en charge rééducative est centralisée dans une structure :
- CAMSP : centre d’accueil médico-social précoce, pour les enfants avant 3 ans ;
- SESSAD : service d’éducation spécial et de soins à domicile, pour les enfants à l’âge d’être scolarisés.
Sinon, ou en plus, elle se fait en libéral, auprès de kinés, d’orthophonistes, de psychomotricien(ne)s, d’ergothérapeutes, d’orthoptistes, d’éducateurs ou d’éducatrices spécialisées. Sans compter les rendez-vous médicaux. En tout, on peut facilement atteindre les 100 à 200 rendez-vous médicaux ou paramédicaux/ an, voire plus.
Cette liste (qui n’est en plus pas ehxaustive) peut faire peur par sa longueur. Certaines familles sont ravies qu’on leur propose autant de choses, de supervision, de suivi et de “stimulations”.
D’autres au contraire remettent en question la pertinence d’autant de suivis et de rendez-vous, qu’il est difficile à honorer, surtout si l’on travaille à côté et qu’on a d’autres enfants. Et culpabilisent parfois d’en faire moins que “ce qu’ils devraient”.
Il y a sans doute un juste équilibre à trouver pour vous, propre à votre famille, en fonction de votre propre appréciation des bénéfices et des contraintes liées à ces rééducations.
Voici quelques éléments de réflexion à ce sujet, basés sur les études réalisés sur des bébés et enfants trisomiques exposés à plus ou moins de rééducation au cours de leurs premières années de vie, ou l’âge adulte. Puissent ces informations vous accompagner dans votre choix de faire plus ou moins de suivi 🙂.
Je me suis focalisée sur la kinésithérapie puisque c’est la profession que j’exerce.
Kinésithérapie, rééducation motrice : qu’en attendre ?
Comme je vous le disais précédemment sur le développement moteur des enfants avec trisomie 21, bien que nous n’ayons pas vraiment d’études de qualité à ce sujet (c’est très dur méthodologiquement et éthiquement à mettre en place), il ne semble pas que les enfants débutant tôt la kiné acquièrent plus vite les étapes motrices que les autres.
En revanche, il semble cohérent et étayé empiriquement de penser que plus un enfant (peu importe d’ailleurs qu’ils soit ou non concerné par la trisomie 21) est exposé à un environnement qui l’encourage à bouger, à solliciter ses muscles et ses capacités cardio-vasculaires, plus vite (toutes choses égales par ailleurs) il se développe sur le plan moteur.
Peu importe finalement qui est à l’origine de ce la création de cet environnement propice :
- kiné,
- psychomotricien(ne),
- prof de sport,
- parent,
- enseignant(e),
- etc.
Certains enfants vont plus accrocher à certaines approches que d’autres. Certaines familles vont préférer déléguer, d’autres préfèreront par elles-même proposer des situations propices à bouger.
Certaines familles privilégieront la kiné sous ordonnance prise en charge par la sécurité sociale, d’autres accrocheront plus avec les propositions et les créneaux d’un(e) psychomptricien(ne) même s’il faut payer de leur poche.
D’autres enfin décideront de ne pas trop se prendre la temps à ce sujet, parce que penser à cela les pèse et leur rajoute une charge mentale difficile à supporter dans un quotidien déjà bien chargé.
Une étude compare l’effet de 2 grands types de rééducation kiné souvent proposés : des exercices à visée de sollicitation neuro-musculaire, sur des surfaces différences VS un entraînement sur tapis de marche (5x/semaine 6-8 minutes). L’équipe de recherche n’observe pas de différence dans l’efficacité de la prise en charge. Source : Rodríguez-Grande 2022
Quelques idées d’environnements propices et assez facilement accessibles :
- avant que l’enfant rampe :
- le poser sur le dos ou sur le ventre sur différents types de surface sécuritaires (tapis au sol, lit, canapé sécurisé, herbe, etc.) ;
- varier les jouets que vous mettez autour de lui ;
- interagir avec lui en vous allongeant à ses côtés ;
- laisser interagir d’autres bébés ou enfants ou animaux avec (en sécurisant bien sûr l’environnement) ;
- une fois que l’enfant sait ramper, faire du 4 pattes voire marcher :
- varier les aires de jeu pour enfant visitées ;
- aller à la plage (sable, galets), sur des terrains de beach-volley (sable) ;
- piscine ;
- laisser l’enfant explorer toutes les parties de votre domicile, même les plus improbables, tant qu’elles sont sécurisées ;
- salles de jeu indoor (type avec des piscines à balle, des gros coussins à escalader) ; certains restaurants ou fast-food offrent aussi des aires de jeux de ce type.
Il n’y a pas un ou des exercices meilleurs que d’autres pour les personnes trisomiques : simplement des types d’environnement et de situations qui seront plus à bouger et à prendre du plaisir à bouger.
Certain(e)s kinés s’appuient sur des méthodes de rééducation avec des appellations spécifiques : Medek, Tomatis, neurobiofeedback, etc. Les grands principes restent les mêmes : proposer un environnement “stimulant”, propice aux activités motrices.
La difficulté est d’arriver à ce que le bébé ou l’enfant acquière des capacités fonctionnelles, utiles et applicables dans son quotidien, et pas seulement pendant les séances de rééducation (Sugimoto 2016).
Ces situations sont des suggestions et vous ne serez pas un “mauvais parent” si vous ne trouvez pas l’énergie de proposer ce cadre de vie. Et votre enfant et votre famille ne sera pas forcément moins épanouie et bien dans sa peau qu’une autre.
***
J’espère avoir répondu au moins en partie aux questions qui vous ont emmené à tomber sur cet article. Si vous avez des remarques, des questions, vous pouvez les laisser en commentaire, je réponds toujours, et je pourrais mettre à jour l’article en conséquence 🙂.
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📚 SOURCES & RESSOURCES
Publications académiques, scientifiques
Développement moteur
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Malak R, Kostiukow A, Krawczyk-Wasielewska A, Mojs E, Samborski W. Delays in Motor Development in Children with Down Syndrome. Med Sci Monit. 2015 Jul 1;21:1904-10. doi: 10.12659/MSM.893377. PMID: 26132100; PMCID: PMC4500597.
Malak R, Kotwicka M, Krawczyk-Wasielewska A, Mojs E, Samborski W. Motor skills, cognitive development and balance functions of children with Down syndrome. Ann Agric Environ Med. 2013;20(4):803-6. PMID: 24364457.
+++ Windsperger K, Hoehl S. Development of Down Syndrome Research Over the Last Decades-What Healthcare and Education Professionals Need to Know. Front Psychiatry. 2021 Dec 14;12:749046. doi: 10.3389/fpsyt.2021.749046. PMID: 34970162; PMCID: PMC8712441.
Rééducation
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Haddad F, Bourke J, Wong K, Leonard H. An investigation of the determinants of quality of life in adolescents and young adults with Down syndrome. PLoS One. 2018 Jun 13;13(6):e0197394. doi: 10.1371/journal.pone.0197394. PMID: 29897903; PMCID: PMC5999114.
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Espérance de vie
Presson AP, Partyka G, Jensen KM, Devine OJ, Rasmussen SA, McCabe LL, McCabe ER. Current estimate of Down Syndrome population prevalence in the United States. J Pediatr. 2013 Oct;163(4):1163-8. doi: 10.1016/j.jpeds.2013.06.013. Epub 2013 Jul 23. PMID: 23885965; PMCID: PMC4445685.
Associations & fondations
France
Trisomie21 France (avec des associations locales dans presque tous les départements) et notamment son enquête sur l’autonomie une fois adulte ici
Perce Neige (également d’autres handicaps et maladies)
Fondation Lejeune ⚠️ Cette fondation a des positionnements idéologiques particuliers. Notamment concernant la légalisation de l’interruption volontaire de la grossesse (IVG), l’euthanasie ou la gestion pour autrui (GPA). Cela peut poser problème à certaines familles que j’ai pu rencontrer.
Québec : RT21
Suisse : Association Romande Art 21
Belgique : Alternative21
Autres projet à connaître (France)
Cafés Joyeux : cafés-restaurants employant des personnes en situation de handicap, sous une statut juridique classique et non en ESAT. Ces cafés sont très appréciés par certaines familles que j’ai pu rencontré. D’autres critiquent l’appellation et l’essentialisation selon laquelle on est forcément joyeux quand on est trisomique (ce n’est pas toujours le cas, et ce n’est pas forcément un but à atteindre que d’être toujours joyeux).
Familles sur les réseaux sociaux : hashtag #trisomie21 !
Podcast en français sur la Trisomie 21 : la Trifference

Rédigé par Nelly Darbois
J’aime écrire des articles qui répondent à vos questions. En me basant sur mon expérience de kiné & rédactrice scientifique, et sur des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale.
J’habite en Savoie 🌞❄️, où j’ai crée ce site dorénavant visité par plus de 8 000 personnes chaque jour.