Comment savoir si on a une cheville cassée ou une entorse ?

entorse ou fracture cheville diagnostic différentiel

Vous vous êtes tordu la cheville, ou vous avez eu un accident avec un traumatisme sur le pied, et vous vous demandez comment on sait si c’est une entorse des ligaments de la cheville, une foulure ou une fracture (cheville cassée) ? Fracture ou entorse du pied ?

Kiné, je réponds à ce questionnement très fréquent (surtout au retour des beaux jours et durant l’été !). Je me base pour cela sur :

  • mon expérience de kiné ;
  • l’état de connaissances scientifiques internationales sur le sujet.

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Bonne lecture 🙂 !

♻️ Dernière mise à jour : juillet 2023.
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Sommaire
  • C’est quoi concrètement une entorse VS une fracture de la cheville ?
  • Quels sont les symptômes de l’entorse VS d’une cheville cassée ?
  • Comment on pose le diagnostic d’entorse VS de fracture de cheville ?
  • Faut-il forcément consulter un(e) médecin quand on se tord la cheville ?
  • Peut-on passer à côté d’une fracture de cheville ?
  • Est-ce qu’on peut confondre une entorse ou une fracture de cheville avec un autre type de blessure ?

C’est quoi concrètement une entorse VS une fracture de la cheville ?

Entendons-nous déjà bien sur ce qu’on met derrière “entorse de la cheville” et “fracture de la cheville”. En termes médical, mais surtout, en termes de la vie de tous les jours, pour qu’on soit sûr de parler de la même chose 🙂.

L’entorse de la cheville

On parle d’entorse de cheville lorsqu’il y a un ou plusieurs ligaments qui est :

  • plus étiré que la normale = entorse de grade/stade 1, entorse légère ;
  • partiellement rompu / déchiré, pas sur toute sa largeur = entorse de grade / stade 2, entorse modérée ;
  • complètement rompu, sur toute sa largeur = entorse de grade / stade 3, entorse “grave” (mais qui récupère aussi souvent très bien). Avec arrachement osseux.

On a des ligaments à différents endroits du pied et de la cheville. A chaque articulation, pas qu’au niveau des malléoles. Et tous peuvent potentiellement s’étirer ou se rompre. On peut par exemple avoir :

  • une entorse du ligament externe de la cheville (la plus fréquente) ;
  • une entorse du ligament interne de la cheville ;
  • une entorse de Lisfranc (plus au niveau du pied) ;
  • une entorse au niveau des ligaments du gros orteil ;
  • une entorse du métacarpe du pied.

Dans le language courant, on parle aussi de “foulure de cheville”, de “cheville foulée” pour désigner une entorse.

photo d'une entorse de cheville
Entorse de cheville latérale, gonflement et hématome

La fracture de la cheville

On parle de fracture quand on a un problème à un os. Et plus précisément, quand l’os est :

  • fissuré : on parle souvent de fissure ;
  • fracturé : il y a vraiment une rupture dans l’os. L’os est séparé en 2 parties ou plus, plus ou moins espacées.

La cheville peut se fracturer ou fissurer à un ou plusieurs endroits, à l’intérieur comme à l’extérieur du pied (malléoles internes et externes), ou sur le dessus. C’est pour cela qu’on parle de :

  • fracture uni-malléolaire : une seul malléole est touchée :
  • fracture bi-malléolaire : 2 malléoles touchées ;
  • fracture tri-malléolaire : fracture des 2 malléole + fracture du pillon tibial, une partie en bas du tibia.

Dans le language courant, on parle de “cheville cassée”, de “cassure de cheville” ou de “malléole cassée” pour désigner une fracture.

photo d'une fracture d echeville
Fracture de la malléole latérale de la cheville

La principale différence structurelle entre entorse et fracture

La principale différence anatomique entre une fracture et une entorse, c’est que ce n’est pas la même structure qui est touchée :

  • en cas d’entorse, c’est un ligament ;
  • en cas de fracture, c’est un os.

On peut bien sûr avoir une fracture ET une entorse. Ou plusieurs fractures et entorses.

Généralement, les ligaments sont des tissus qui cicatrisent plus vite que les os. Donc on récupère en général plus vite d’une entorse que d’une fracture.

Mais il y a de très grandes différences entre les personnes par rapport à ça.

Quels sont les symptômes de l’entorse VS d’une cheville cassée ?

On prend en compte différents éléments pour faire l’hypothèse que c’est plutôt une entorse de cheville, ou plutôt une fracture. Aucun de ces facteurs pris isolément ne suffit, c’est vraiment un ensemble qui oriente notre diagnostic :

  1. comment est survenue la blessure : dans quelles circonstances ? Y a-t-il eu un coup sur la cheville ? Ou elle s’est tordue ? Dans quel sens ?
  2. Y a-t-il déjà des antécédents : d’autres problèmes sur cette cheville ? Ou des pathologies particulières plus générales ?
  3. qu’est-ce vous arrivez à faire : marcher en boitant légèrement ? Ou vous n’arrivez pas du tout à poser le pied par terre ?
  4. le gonflement, l’oedème de la cheville : il est quasi systématique en cas de traumatisme sur la cheville, même s’il n’y a pas d’entorse ou de fracture. Il inquiète souvent, pourtant, il n’indique pas forcément une blessure plus grave ;
  5. quelle est la localisation précise de la douleur, au repos et au toucher ?

Ce dernier point : la localisation précise de la douleur, est d’ailleurs l’élément qui permet de dire s’il faut ou non faire une radiographie du pied.

Car seule la radio (ou un autre type d’imagerie, comme l’IRM) permet d’être sûr de la fracture. À “l’oeil nu”, il n’y a pas moyen de le savoir.

Les critères d’Ottawa sont une série de critères justement utilisés pour aider à déterminer si des radiographies sont nécessaires, dans les 10 jours qui suivent le traumatisme. Selon ces critères qui font consensus au niveau international, une radiographie de la cheville est recommandée si (et seulement si) vous avez l’un des éléments suivants :

  • Douleur dans la zone malléolaire (les protubérances osseuses de chaque côté de la cheville), ET :
    • Incapacité à supporter le poids immédiatement après la blessure et à l’urgence pendant quatre pas, OU
    • Sensibilité osseuse le long des 6 cm distaux du bord postérieur du tibia ou de la fibula, ou de l’extrémité de la malléole médiale ou latérale
  • OU douleur dans la zone de l’articulation médio-tarsienne (la zone du pied entre la cheville et les orteils), ET :
    • Incapacité à supporter le poids immédiatement après la blessure et à l’urgence pendant quatre pas, OU
    • Sensibilité osseuse à la base du cinquième métatarsien, OU
    • Sensibilité osseuse à l’os naviculaire.
schéma de cheville indiquant les zones douloureuses en cas de fractures, et les critères d'ottawa
Les zones en noir autour de la cheville sont les zones à parler pour savoir si la radio est adaptée. En fonction des douleursqui se déclenchent lorsqu’on les palpe. Source : Polzer 2012

Pourquoi on ne fait pas systématiquement une radio, “pour être sûr” ? Tout simplement que cela peut entraîner une exposition inutile aux rayonnements (en plus d’augmenter les coûts et de vous fiare perdre du temps).

De plus, les critères d’Ottawa sont assez fiables : moins de 2 % des personnes pour lesquelles aucune imagerie n’était recommandée par ces règles présentaient une fracture (Melanson 2022).

Leur utilisation permet de réduire le nombre de radiographies inutiles de 30 à 40 %. (Minerva, 2003)

schéma des faces latérales et médiales des pieds et des critères d'ottawa pour le diagnostic différentiel d'une fracture de cheville
Autre représentation des localisations des douleurs en cas de fracture de cheville possible, selon les critères d’Ottawa. Source : MD+Calc

Comment on pose le diagnostic d’entorse VS de fracture de cheville ?

Voici les différents scénarios qui conduisent au diagnostic de fracture ou d’entorse de cheville :

  1. soit vous avez eu une radiographie du pied, car vous présentiez les critères d’Ottawa.
    • La radio montrait une fissure ou une fracture de la cheville. Le diagnostic de fracture est donc posé, il n’y a pas besoin d’aller plus loin.
    • La radio ne montrait pas de fracture ou fissure de la cheville. Dans ce cas, vous avez peut-être une entorse, ou une simple contusion.
  2. soit vous n’avez pas eu de radio du pied, ou vous avez eu une radio, mais elle ne montrait pas de fracture. Selon l’équipe (para)médicale sur qui vous tombez, celle-ci va décider de poursuivre ou non les examens d’imagerie.

    Par exemple en faisant une échographie, pour visualiser les ligaments.

    D’autres au contraire vont décider de ne pas rentrer dans la surenchère des examens complémentaires. Pourquoi ? Car qu’il y ait ou non une entorse, qu’elle soit de stade 1 ou 2, globalement, la conduite à tenir est la même. LE traitement peut être ajusté par rapport aux symptômes plutôt que par rapport au type de lésion précise. À titre personnel, c’est l’option que je privilégie.

Dans les cas où un hématome est présent, accompagné d’une douleur à la palpation autour du péroné distal et/ou d’un test du tiroir antérieur positif, il existe probablement une rupture des ligaments latéraux de la cheville. Si le test réalisé dans les 4/5 jours qui suivent. (Vuuberg 2018)

Un physiothérapeute (kiné) qui réalise un test du tiroir antérieur de la cheville

C’est l’expérience des pros de santé, habitués à voir des traumatismes de la cheville, qui leur permet d’affiner le diagnostic.

tests pour le diagnostic d'une entorse de cheville
A : test du tiroir antérieur pour mettre en évidence une entorse de stade 2 ou 3. B : Talart tilit test pour mettre en évidence une entorse de stade 1 Source : Polzer 2012

On peut très bien dire qu’il y a une entorse simplement sur la base de cet examen clinique, sans imagerie complémentaire. Si les symptômes sont peut marqués, qu’il n’y a apparamment pas d’instabilité à la marche, on parlera parfois de simple contusion.

Faut-il forcément consulter un(e) médecin quand on se tord la cheville ?

C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre.

Généralement, on applique souvent le “principe de précaution” pour répondre à ce type de question. On préfère, surtout en tant que soignant(e), dire de consulter un professionnel(le), pour éviter de passer à côté de quelque chose, et que ça nous retombe dessus, que notre responsabilité soit engagée.

Pourtant, consulter “pour rien” engendre aussi certains problèmes : perte de temps, inquiétude pour rien, médicalisation excessive, mise en place de traitements inutiles, diminution de sa propre confiance à identifier un problème de santé, etc.

Pour répondre de manière courte à cette question : non, il ne faut pas forcément consulter un(e) médecin dès qu’on se tord la cheville.

On estime qu’environ 50 % des personnes qui ont une entorse de cheville ne consultent pas un(e) pro de santé (Vuuberg 2018).

Si la douleur est très importante, que vous avez du mal à marcher, que le traumatisme sur la cheville a été important, il semble dans ce cas plutôt approprié de consulter.

Peut-on passer à côté d’une fracture de cheville ?

Oui bien sûr, on ne peut jamais être sûr à 100% d’un diagnostic. Même avec une radio ou un IRM. C’est toujours une hypothèse, plus ou moins probable.

Cependant, en utilisant les critères d’Ottawa et en effectuant une évaluation clinique approfondie, le risque de passer à côté d’une fracture de cheville est considérablement réduit.

Si vous vous posez cette question : “est-ce qu’on ne pas pas mal diagnostiqué, est-ce que je n’ai pas en fait un problème plus grave à la cheville, par exemple une fracture”, voilà l’attitude à avoir selon moi :

  • les fractures de cheville sont plus rares que les entorses ;
  • le traitement d’une entorse de cheville est très similaire à celui d’une fracture de cheville ;
  • le fait qu’on ait mal diagnostiqué quelque chose n’entraîne pas forcément une moins bonne guérison.

Est-ce qu’on peut confondre une entorse ou une fracture de cheville avec un autre type de blessure ?

Il existe bien sûr d’autres blessures à la cheville et au pied que les fractures et les entorses. On peut les ranger en 2 grandes catégories :

  • les blessures qui surviennent d’un coup, suite à une chute, un accident, un traumatisme, un “mauvais mouvement”. Les plus fréquentes :
  • les blessures qui s’installent petit à petit dans le temps, notamment (mais pas que) :
    • Tendinopathies / tendinites
    • Syndrome du tunnel tarsien
    • Fasciite/aponévrosite plantaire
    • Instabilité chronique de la cheville
    • Arthrite de la cheville (par exemple en cas de polyarthrite rhumatoïde)
    • Arthrose de la cheville

Comment les différencier ? Le mode de survenue est déjà un premier point :

  • est-ce que les symptômes se sont installés petit à petit ?
  • Où c’est venu d’un coup, suite à un événement particulier ?

Les symptômes peuvent aussi aider à favoriser plus un diagnostic qu’un autre. Même si ce sont souvent des symptômes communs. Par exemple, le type de douleur :

  • plutôt mécanique : au mouvement ;
  • ou inflammatoire : la nuit, ou au repos.

Les médecins et les kinés font partie des professionnel(le)s de santé formé(e)s à faire cela : identifier le type de blessure. Pour identifier un traitement adéquat, et faire un pronostic approximatif sur le temps de guérison.

C’est ce qu’on appelle en terme médical faire un “diagnostic différentiel“.

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📚 SOURCES

Melanson SW, Shuman VL. Acute Ankle Sprain. [Updated 2022 May 29]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2023 Jan-. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK459212/

Wire J, Hermena S, Slane VH. Ankle Fractures. [Updated 2022 Aug 15]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2023 Jan-. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK542324/

Polzer H, Kanz KG, Prall WC, Haasters F, Ockert B, Mutschler W, Grote S. Diagnosis and treatment of acute ankle injuries: development of an evidence-based algorithm. Orthop Rev (Pavia). 2012 Jan 2;4(1):e5. doi: 10.4081/or.2012.e5. Epub 2011 Dec 14. PMID: 22577506; PMCID: PMC3348693.

Vuurberg G, Hoorntje A, Wink LM, van der Doelen BFW, van den Bekerom MP, Dekker R, van Dijk CN, Krips R, Loogman MCM, Ridderikhof ML, Smithuis FF, Stufkens SAS, Verhagen EALM, de Bie RA, Kerkhoffs GMMJ. Diagnosis, treatment and prevention of ankle sprains: update of an evidence-based clinical guideline. Br J Sports Med. 2018 Aug;52(15):956. doi: 10.1136/bjsports-2017-098106. Epub 2018 Mar 7. PMID: 29514819.

Minerva, 2003, cite Bachmannn L, Kolb E, Koller M et al. Accuracy of Ottawa ankle rules to exclude fractures of the ankle and mid-food : systematic review. BMJ 2003;326:417-23.

Image : https://www.mdcalc.com/calc/1670/ottawa-ankle-rule

photo de nelly darbois, kinésithérapeute et rédactrice scientifique sur la santé et communication

Rédigé par Nelly Darbois

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