Tendinite de l’épaule : quels symptômes ?

Se questionner sur les symptômes d’un problème, au fond, s’est se questionner sur comment reconnaître ce problème. Comment savoir, quand on a mal à l’épaule, si c’est bien une tendinite ?

Quand quelqu’un a mal quelque part, il est parfois facile d’identifier assez rapidement et directement la cause de la douleur. Par exemple, imaginez que vous veniez de chuter violemment sur l’épaule. La douleur qui suit est intense et fortement incapacitante. Radio : fracture. Mystère résolu.

Dans le cas des tendinites de l’épaule, et vous vous en doutez déjà peut-être, c’est malheureusement un peu plus compliqué.

J’écris cet article pour vous éclairer autant que possible sur cette situation, et cela, à la lumière de :

• mon expérience de kinésithérapeute ;
• une bonne plongée dans la littérature scientifique internationale sur tous les sujets pertinents ;
• (et accessoirement, mon vécu apaisé d’être humain vivant avec des douleurs récurrentes à l’épaule gauche depuis plus de 10 ans – entre autres !)

Puissiez-vous trouver dans cet article les réponses à vos questions, et j’espère un peu plus encore ! 🙂

♻️ Dernière mise à jour : octobre 2023. Rédigé par Albin Guillaud, kiné et docteur en santé publique.
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Tendinite de l’épaule : qu’est-ce que c’est ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir, comment repérer une tendinite de l’épaule, commençons par étudier ce qu’est une tendinite de l’épaule.

Tendinite ou tendinopathie ? Épaule ou coiffe des rotateurs ?

Les termes « tendinopathie » et « tendinite » font tous les deux références aux tendons, qu’il faut voir comme des câbles reliant les muscles aux os.

En théorie, une « tendinite », c’est une inflammation d’un tendon. Donc logiquement, une tendinite de l’épaule, c’est une inflammation d’un tendon de l’épaule. Le terme « tendinopathie » est plus général : il indique qu’il y a un problème de tendon, mais sans préciser la nature de ce problème.

On peut croiser parfois les expressions « tendinite de la coiffe des rotateurs » ou « tendinopathie de la coiffe des rotateurs ». Les termes « coiffes des rotateurs » désigne un groupe particulier de 4 muscles de l’épaule :

• le supra-épineux ;
• l’infra-épineux ;
• le subscapulaire ;
• le petit rond.

Ainsi, il est plus précis de parler de « tendinite de la coiffe des rotateurs » plutôt que de « tendinite de l’épaule ». On spécifie quels sont les muscles dont on pense qu’un des tendons est affecté.

Par la suite, j’utilise surtout l’expression « tendinite de l’épaule » qui s’appuie sur les termes les plus couramment employés par le grand public.

Qu’est-ce que c’est une inflammation d’un tendon ?

Quand on parle d’inflammation d’un tendon, on fait référence à l’activité inflammatoire de ce tendon. On mesure cette activité inflammatoire par la quantité de certains marqueurs biologiques dans le tendon. Ces marqueurs biologiques de l’inflammation sont [Rees, 2014] :

▪️ certains types de cellules du système immunitaire (qui peuvent se balader un peu partout dans le corps humain ; par exemples, les macrophages) ;

▪️ certains types de substances chimiques comme :

• des protéines (par exemple, des cytokines) ;
• des enzymes (par exemple, des cyclooxygénases) ;
• et des peptides (par exemple, la substance appelée « substance P »).

Bref, un joli cocktail de biochimie !

Mesurer cette activité nécessite des techniques de laboratoires, et surtout de prélever des morceaux du tendon que l’on souhaite examiner. Ça veut dire qu’en pratique, pour savoir si quelqu’un a bien une tendinite de l’épaule, il faut utiliser d’autres approches plus indirectes.

Comment repérer une tendinite de l’épaule : quels symptômes ?

Pour être aussi sûr que possible que quelqu’un a une tendinite de l’épaule, il faut aller lui trifouiller les tendons, et examiner les morceaux en laboratoire. Aujourd’hui, en raison de son caractère invasif, cette approche est réservée aux chercheurs.

Concentrons-nous donc sur les autres approches utilisées pour repérer si quelqu’un a une tendinite de l’épaule :

• l’approche au contact direct de la personne, ne nécessitant qu’un minimum de matériel (on parle alors d’approche clinique) ;
• l’approche radiologique (échographie ou IRM).

Repérer une tendinite de l’épaule : l’approche clinique

Sur le plan clinique, c’est-à-dire en examinant la personne directement avec peu de matériel, on peut supposer une tendinite de l’épaule quand :

⚫ la personne se plaint d’une douleur à l’épaule (il s’agit bien sûr du symptôme principal) ;

⚫ on peut constater des faiblesses musculaires à cause de la douleur, la plupart du temps sur deux types de mouvements spécifiques :

• pour lever le bras ;
• pour faire une rotation externe d’épaule (voir figure 2 pour comprendre ce qu’est une rotation externe d’épaule ; sinon :

1️⃣ laissez tomber vos bras le long du corps ;

2️⃣ pliez un coude à angle droit, mettons votre coude gauche ;

3️⃣ en gardant le coude à angle droit, amenez votre main sur votre ventre : vous venez de faire une rotation interne d’épaule ;

4️⃣ toujours en gardant le coude à angle droit, ramenez votre main à sa position de départ : vous venez de faire une rotation externe d’épaule.)

• après avoir procédé par élimination, on n’arrive pas à expliquer la douleur autrement. Autrement dit, on peut dire que c’est l’absence d’autres symptômes que la douleur qui pointe vers une explication de type tendinite.

(Source : Lewis, 2015)

À noter que cette approche n’est pas spécifique aux tendinites de l’épaule. Elle peut aussi être utilisée pour supposer la présence :

• d’un problème de tendon en général, sans forcément s’avancer sur le fait que ce problème de nature inflammatoire (on parle alors de tendinopathie plutôt que de tendinite) ;
• d’une bursite : une inflammation de la bourse synoviale (ou séreuse) qui se situe sous l’acromion (l’acromion est une partie de l’omoplate). Cette bourse synoviale est une sorte de sac aplati qui limite les frottements entre l’omoplate et certains tendons de l’épaule (voir figure 1).

Autrement dit, l’approche clinique ne permet pas de distinguer entre :

• une tendinite ;
• un autre type de tendinopathie (par exemple, un tendon dégénéré sans inflammation. On parle alors de tendinose. Il faut voir un tendon dégénéré comme un tendon désorganisé dans sa structure.)
• ou une bursite.

Dans ses conditions, comment faire le tri sans aller triturer l’intérieur de l’épaule ? En pratique, vous pourrez vous voir prescrire un examen d’imagerie telle une échographie ou une IRM. Voyons maintenant à quel point cette approche radiologique est vraiment utile.

Repérer une tendinite de l’épaule : l’approche radiologique

Sur le plan radiologique (échographie ou IRM), on peut repérer une tendinopathie de l’épaule en constatant certaines anomalies radiologiques d’un ou plusieurs tendons de l’épaule [Robinson, 2009 ; Hodgson, 2012]. Cette approche ne permet toutefois pas de faire la différence entre [Rees, 2014] :

• une tendinite : inflammation d’un tendon ;
• une tendinose : dégénérescence d’un tendon (la structure du tendon est désorganisée) ;
• une enthésite : inflammation non pas d’un tendon lui-même, mais d’un de ses points d’accroche dans l’os (une zone particulière qu’on appelle l’enthèse).

À ce stade, on se retrouve en quelque sorte dans une impasse. Pour aller plus loin et vraiment savoir s’il y a tendinite, il faut triturer les tendons et en analyser les fragments en laboratoire. Ce qui ne se fait pas dans la pratique clinique de tous les jours.

Que peut-on conclure d’une telle situation ?

En peut en conclure que lorsque qu’on vous dit que vous avez une tendinite, en réalité ce qu’on fait c’est :

• supposer que vous avez une tendinite ; aucune certitude en la matière n’est possible étant donnés nos moyens d’examen actuel ;
• supposer que cette tendinite explique la majeure partie de votre douleur.

Il y a là alors un léger problème.

Admettons en effet que vous ayez bel et bien une tendinite. Considérons ainsi la première supposition ci-dessus comme étant valide. Et si la seconde supposition était, quant à elle, erronée ? Autrement dit, et si votre tendinite n’expliquait pas la majeure partie de votre douleur ? Voyons cela maintenant.

Et si votre douleur à l’épaule était plus qu’une simple tendinite ?

Imaginons quelqu’un qui présente une douleur à l’épaule du type de celle qui peut conduire au diagnostic de tendinite. C’est-à-dire une douleur d’épaule :

• qui entraîne des faiblesses musculaires sur certains mouvements (notamment pour lever le bras ou pour faire une rotation externe d’épaule) ;
• pour laquelle, il n’y a aucune explication satisfaisante parmi toutes les explications connues (notamment celles qui nécessitent une prise en charge urgente ou semi-urgente – voir la partie suivante pour plus de détails).

Les dernières recherches scientifiques suggèrent que ce type de douleur s’explique par un état inflammatoire multi-localisé [Lo, 2022 ; Lo, 2023]. C’est-à-dire une situation pour laquelle on retrouve des marqueurs de l’inflammation dans :

• certains tendons de l’épaule (il y a donc bien tendinite, mais pas uniquement) ;
• la bourse synoviale sous-acromiale ;
• l’articulation gléno-humérale (l’articulation entre l’humérus et l’omoplate) ;
• le sérum sanguin (le sérum est une partie du sang, comme l’huile constitue une partie d’une sauce vinaigrette).

Néanmoins, il faut souligner que cette explication :

▪️ reste largement à confirmer ;

▪️ tiendrait essentiellement pour des personnes :

• présentant une douleur de plus de 3 mois et ne faisant pas suite à un traumatisme ;
• de plus de 40 ans ;
• ne pratiquant pas une activité sportive intensive.

Pour les autres, à ce jour les recherches sont manquantes pour expliquer quelle pourrait être la cause de leurs douleurs d’épaule.

Ainsi, dans tous les cas, supposer une tendinite pour expliquer la majeure partie d’une douleur d’épaule ne peut se justifier par l’état actuel des connaissances.

Mais alors, pourquoi continuer à parler de « tendinite de l’épaule » dans ces circonstances ? Attardons-nous quelques instants sur ce point.

Finalement, pourquoi parler de tendinite de l’épaule ?

Si rien ne justifie de penser qu’une tendinite puisse expliquer à elle seule l’essentiel d’une douleur d’épaule, pourquoi parler de tendinite de l’épaule ?

Répondre à une telle question pourrait nécessiter un article à part entière, mais je m’aventure quand même ici à quelques hypothèses :

1️⃣ Il paraît plus facile de dire à quelqu’un « vous avez sans doute une tendinite » que « vous avez sans doute un état inflammatoire multi-localisé blablabla » ou « je ne sais pas trop ». Et cela, d’autant plus que le mot « tendinite » fait partie du langage courant.

2️⃣ Si le mot « tendinite » fait partie du langage courant, la pratique même de s’auto-diagnostiquer une tendinite semble être assez fréquente.

Je me rappelle bon nombre de patients m’ayant déjà dit « J’ai mal ici. Ça doit être une tendinite vous ne croyez pas ? » (En la matière, mon propre père est l’un des champions pour s’auto-diagnostiquer des tendinites !).

3️⃣ Face à une douleur d’épaule « de type tendinite », certains professionnels peuvent être tentés d’orienter vers des anti-inflammatoires (en application local ou par voie orale).

Ainsi, la combinaison « tendinite = inflammation d’un tendon = anti-inflammatoires » semble facile à présenter et à expliquer.

Est-ce néanmoins une bonne pratique ? Les professionnels de santé concernés devraient-ils utiliser un autre terme ? Ou bien alors devraient-ils simplement faire part de leurs incertitudes, et ne pas utiliser d’expression spécifique ? Je laisse ces questions ouvertes.

Quelles sont les causes possibles d’une douleur à l’épaule ?

En cas de douleur d’épaule, quels symptômes conduisent à suspecter une tendinite ? Récapitulons :

• il y a la douleur elle-même, qui est le symptôme principal ;
• certaines faiblesses musculaires causées par la douleur (repérables par des mouvements qu’on ne peut pas faire de toutes ses forces à cause de la douleur) ;
• et surtout, il y a l’absence d’autres symptômes que la douleur elle-même. C’est-à-dire qu’avant d’en venir à supposer une tendinite, il est crucial de bien prendre soin d’éliminer toutes les autres causes possibles à la douleur.

Le diagnostic de tendinite est donc un diagnostic par élimination. Voilà pourquoi il me semble intéressant de connaître ce qu’on cherche avant tout à éliminer.

Les grandes catégories de causes possibles pour une douleur à l’épaule sont [Rees, 2021] :

🔴 les causes nécessitant une prise en charge urgente :

• les fractures ou ruptures musculaires consécutives à un traumatisme ;
• les infections ;
• les tumeurs ;
• les luxations de l’épaule consécutives à un traumatisme, une crise d’épilepsie ou un choc électrique ;

🟡 les causes nécessitant une prise en charge spécifique aussi rapidement que possible (même si moins urgemment que pour les précédentes) :

• les maladies rhumatismales systémiques (exemple : la polyarthrite rhumatoïde) 

⚫ les autres causes :

• les instabilités d’origine traumatiques (par exemple, à distance d’une luxation soignée) ou non traumatiques de l’épaule (par exemple : chez les personnes très laxes) ;
• maladie de l’articulation acromio-claviculaire (articulation entre l’acromion, une partie de l’omoplate, et la clavicule) ;
• maladie de l’articulation gléno-humérale (articulation entre l’humérus et l’omoplate)  :

🔹 capsulite rétractile (atteinte de la capsule articulaire, la structure qui rend l’articulation hermétique) ;

🔹 arthrite (inflammation articulaire) isolée.

Si vous avez mal à l’épaule et que toutes ces causes ont été écartées, alors certains vous diront peut-être que vous avez une tendinite de l’épaule.

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Si vous avez des questions, des remarques des expériences à partager, n’hésitez pas, rendez-vous dans les commentaires ! 🙂

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