Vous avez envie de devenir expert(e) auprès des tribunaux en tant que kiné, donc expert(e) judiciaire ? Plusieurs kinésithérapeutes le sont aujourd’hui en France.
Mais beaucoup d’autres ne connaissent pas du tout cet exercice, ou plutôt, cette fonction, ou diversification de notre activité.
Pourtant, je la trouve personnellement très intéressante et stimulante intellectuellement. Tout autant qu’utile !
J’ai donc décidé de rédiger cet article que j’espère très complet sur le sujet.
J’ai pour ma part déjà été sollicitée par des cabinets d’avocat pour apporter mon expertise/conseil sur des sujets très spécifiques, sans être rattachée à une cour d’appel. J’ai dans la continuité entamé les démarches pour devenir experte judiciaire en tant que kiné auprès de ma cour d’appel 🙂.
J’ai pour cet article également interviewé Thierry Delapierre, lui même expert judiciaire en kinésithérapie depuis bientôt 10 ans. C’est une mine de connaissances sur le sujet qu’il accepte fort sympathiquement de partager (merci !).
J’espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à découvrir (et exercer ?!) cette approche de notre profession. Si vous avez des questions ou des retours d’expérience à partager, c’est bienvenue en commentaire. Vous trouverez toutes les sources en fin d’article.
♻️ Dernière mise à jour : mars 2023.
👩⚖️ Déclaration de liens d’intérêts financiers : pas de liens affiliés. Ma déclaration de liens d’intérêt complète est en mentions légales.
Sommaire
- Qu’est-ce qu’un(e) expert(e) judiciaire ?
- Devenir expert-judiciaire en kinésithérapie : quelles étapes ?
- Quelles formations à l’expertise judiciaire existent ?
- Quel est le salaire d’un expert judiciaire en kinésithérapie ?
- Quel est concrètement le travail d’un expert judiciaire kiné ?
- Témoignage : Thierry Delapierre, membre de la Compagnie nationale des kinés experts et de la CNEJPS
Qu’est-ce qu’un(e) expert(e) judiciaire ?
Avant de voir comment devenir kiné expert judiciaire ou de savoir combien cette profession gagne (je sais que ce sont 2 questions qu’on se pose souvent 😉 !), voyons déjà concrètement ce qu’est un(e) expert(e) judiciaire, en France.
L’expert judiciaire en général
Voici la définition “officielle” du rôle d’un expert judiciaire :
Un expert judiciaire est sollicité pour donner au juge un avis sur des points techniques précis. Il y a des experts dans des domaines très variés (médecine, accidentologie, architecture, ….). L’expert peut être désigné par le juge ou par les parties au procès.
Définition de l’expet(e) judiciaire selon services-public.fr
C’est donc quelqu’un :
- qui intervient lors d’un procès ;
- qui a une expertise sur un autre sujet que le droit (exemple : la kinésithérapie !) ;
- qui est sollicité par un(e) juge, un(e) avocat(e) ou quelqu’un qui porte plainte, ou qui veut être assisté en défense. Dans les 3 derniers cas, il n’est plus expert judiciaire mais expert conseil de partie.
L’expert(e) judiciaire doit donner un avis au juge, avant le procès. Sur des points techniques, sans prendre partie, de la manière la plus objective possible.
C’est seulement un avis : le juge le prend en compte en totalité, partiellement ou pas du tout.
Cela se fait sous la forme écrite. Pour réaliser son dossier, l’expert(e) peut réaliser des examens, des interviews, faire des recherches documentaires ou lire et analyser des documents, en toute confidientalité.
Les deux domaines d’expertise les plus représentés en matière civile sont le bâtiment (40,6 % des expertises) et le médical (34,9 % des expertises) (Revue Cairn 2016).
La plupart des expert(e)s judiciaires sont rattachés à une Cour d’appel d’un tribunal local. Plus rarement (et seulement après 8 ans passé comme expert(e) auprès d’une cour d’appel), l’expert peut l’être au niveau national, auprès de la Cour de cassation.
L’expertise judiciaire quand on est kinésithérapeute de formation initiale
Il existe vraiment des expert(e)s dans tous les domaines, classés par catégorie.
Par exemple : agriculture, gestion d’entreprise, bâtiment, automobile, immobilier, traduction, langue des signes, neige et avalanche, philatélie, etc. Et avec à chaque fois des sous-catégories.
Les kinés font partie de ces expert(e)s !
- Sous la catégorie F – Santé
- Sous-catégorie : F.8 Sages-femmes et auxiliaires médicaux, et plus précisément F.8.6 Masseurs-kinésithérapeutes
- Certains kinés sont aussi rattachés à la sous-catégorie F.9.2 Experts en matière de sécurité sociale / Professionnels de santé non médecins. F.10.2 Experts en matière d’interprétation des actes et prestations / Professionnels de santé non médecins.
Il existe actuellement (2023) un seul kinésithérapeute expert au niveau national, à la Cour de cassation, mais plusieurs au sein des Cours d’appel (on peut être inscrit dans une seule cours d’appel).

Les kinésithérapeutes peuvent être les seuls expert(e)s, ou être en co-expertise, ou encore être “sapiteur” (sollicités juste pour un point précis).
ℹ️ Les kinés peuvent aussi exercer une fonction d’expertise SANS être enregistré auprès d’une Cours de justice. Cela a d’ailleurs été mon cas, à 2 reprises.
À chaque fois, j’ai été contacté par un cabinet d’avocat. Dans le cadre d’effets secondaires survenus suite à un traitement délivré par des médecins.

Je suis soumise à un contrat de confidentialité et ne peut pas en dire plus, d’autant plus que les procès n’ont pas encore eu lieu : il peut s’écouler plusieurs années entre le moment où on rend un rapport d’expertise, et le moment où le procès a lieu !
Je peux simplement vous dire que j’ai été démarché par le biais de mon site, sur lesquels j’écris souvent des articles très documentés en m’appuyant sur la littérature scientifique, notamment concernant les effets secondaires des traitements.
Donc les kinésithérapeutes peuvent aussi être contactés en direct par :
- une victime,
- un professionnel (assurance),
- un avocat.
Ils sont alors des conseillers techniques d’une des parties à un litige judiciaire pénal ou civil, ou devant une juridiction administrative ou disciplinaire.
Je reviendrai plus loin plus précisément sur ce que fait concrètement un kiné en tant qu’expert judiciaire ou conseiller technique.
Quel est le coût d’une expertise judiciaire ?
C’est l’expert qui détermine le montant de ses honoraires. Parfois à l’heure, parfois au forfait.
Dans le cadre d’une expertise auprès de la Cour d’appel ou de cassation, l’expert joint une demande de rémunération et les parties ont 15 jours pour dire si oui ou non ils donnent suite.
C’est le juge qui fixe ensuite le montant de la rémunération et ordonne de payer l’expert(e), verser d’éventuelles sommes complémentaires ou rembourser le trop-perçu.
Des chiffres anciens (début des années 2000, ; source : Cairn, 2016) disent que :
- la vacation horaire moyenne des expert(e)s est de 81 euros ;
- les honoraires de l’expert s’élèvent en moyenne à 1 514 euros.
Ces chiffres sous-estiment sûrement les tarifs pratiqués aujourd’hui.
Dans le cas d’un conseil technique, on a encore moins de recul sur les prix pratiqués.
Comment est payé l’expert ?
Dans le cadre d’un procès à la Cour d’appel ou de cassation, c’est le juge qui détermine à l’issue du procès qui doit payer l’expert(e).
Ces frais sont compris dans les dépends = les frais liés à la procédure en justice. Ce sont généralement les perdant(e)s qui les paient : la personne qui a porté plainte ou celle qu’elle accuse.
Souvent ce ne sont pas les individus qui paient mais les assurances :
- protection juridique ;
- assurance responsabilité civile professionnelle ;
- compagnie d’assurance du professionnel, d’un établissement ;
- l’État, etc.
Devenir expert-judiciaire en kinésithérapie : quelles étapes ?
Ayant moi-même fait ces démarches (en 2023), il m’est d’autant plus facile de vous les indiquer !
Point important : vous pouvez candidater sans avoir suivi de formation spécifique d’expertise judiciaire. Le diplôme d’état de masseur-kinésithérapeute (ou une équivalence) suffit (en tout cas en théorie/juridiquement).


Vous pouvez le faire que vous soyez kiné salarié à l’hopital ou ailleurs, ou kiné libéral.
- Rendez-vous sur le site de la Cour d’appel à laquelle vous voulez vous rattacher. En général, on se rattache à celle du tribunal le plus proche de chez soi. Cf l’annuaire qui les recense toutes en fin d’article.
- Vous avez parfois un document à télécharger qui explique le dossier à fournir et les modalités d’envoi. Ou une adresse e-mail pour entamer les démarches : vous devez envoyer un mail pour savoir comment procéder pour la suite (il peut y avoir quelques spécificités selon les cours d’appel).
- Vous constituez votre dossier de candidature. Avec beaucoup de pièces justificatives à fournir dont des attestations de formations suivies, la déclarations d’affiliation à l’URSSAF/ une autorisation de votre employeur, l’attestation d’inscription au tableau de l’ordre des kinés, et autres joyeusetés ! Vous argumentez aussi sur votre pertinence à exercer cette fonction.
- Vous indiquez les spécialités où vous sollicitez votre inscription en tant qu’expert. Vous indiquez les publications/communications effectuées, les travaux scientifiques ou techniques déjà réalisés.
- Vous envoyez votre dossier de candidature. Souvent par voie postale, à la Cour d’appel.
- Vous attendez de recevoir une réponse positive ou négative. Les délais dépendront de votre Cour d’appel. Dans la mienne, les demandes pour l’année N+1 doivent être déposées avant le 1er mars.
Il faut déposer un dossier de candidature auprès d’une cour d’appel. Les démarches précises dépendent de chaque cour d’appel.
Quelles formations à l’expertise judiciaire existent ?
Il existe comment souvent de nombreux types de formation différentes, on s’y perd un peu ! Sans compter bien sûr l’auto-formation en se documentant par soi-même (mon type de formation préférée 🙂).
Le DU d’expertise judiciaire kiné
Il existe énormément de diplômes universitaires (DU) dont les compétences dispensées peuvent être utiles aux kinés expert(e)s judiciaire. Chaque DU a en plus sa propre appellation selon les universités.
Pour rappel, un DU est accessible aux kinés salariés comme libéraux. Les modalités de suivi et de financement ne seront cependant pas forcément les mêmes.
Un DU s’étale généralement sur 1 an, au rythme de quelques jours de formation par mois (souvent 2 à 4). Parfois à distance, parfois en présentiel.
En général, dans chaque faculté, il y a un service “formation continue” pour vous renseigner sur ces aspects plus logistiques.
Voici une liste non exhaustive de ces différents DU. Vous trouverez facilement les plus proches de chez vous en tapant ces mots clés + la grande ville universitaire la plus proche.
- DU expertise judiciaire
- DU d’expertise judiciaire, d’assurance et d’évaluation du préjudice corporel
- DIU formation à l’expertise judiciaire
- DU droit de l’expertise judiciaire
- DU Expertise de justice
- DU expertise de santé pluriprofessionnelle
- DU contentieux médical
- DU droit de la responsabilité médicale
- DIU national d’expertise en accidents médicaux
- DU de réparation juridique du préjudice corporel
Il faut vérifier à chaque fois les conditions d’admission.
Les autres formations
Il existe dans plusieurs universités des Certificats de formation à l’expertise judiciaire (par exemple, à Sciencespo Aix, 60 heures, 2 000 euros, 1 jour/semaine pendant 10 semaines). Ce sont des certificats généralistes, valables pour tous les secteurs d’expertise.
Et également des Master 2 (voir fin d’article pour des références).
❌ Il n’existe pas de formation DPC sur l’expertise judiciaire (j’ai recherché via le catalogue de l’Agence nationale du développement professionnel continu qui recense toutes les formations pour les kinés éligibles au DPC).
❌ Je n’ai pas non plus trouvé de formation dans le cadre du FIF-PL (pour les kinés libéraux), mais il n’y a pas de catalogue qui les recense de manière exhaustive.
✅ En revanche il existe plusieurs formations à la journée ou sur 2 jours proposées par des organismes de formation continue pour les kinés, comme l’Institut national de la kinésithérapie (INK Formation/ Maison des kinés).
Ou par les associations de kinés expert(e)s ou d’autres professionnel(le)s. Souvent sous la forme de colloques ou congrès, et plutôt pour les kinés déjà lancés.
Ces formations peuvent parfois êtres prises en charge financièrement (ou ouvrir à des crédits d’impôt) selon votre statut, salarié ou libéral. L’idéal étant de vous renseigner directement auprès de la formation qui vous intéresse !
Vous trouverez en fin d’articles des liens vers certains des organismes proposant des formations.
Quel est le salaire d’un expert judiciaire en kinésithérapie ?
Il n’existe pas de montant prédéfinit à l’avance, pas d’AMK ou autre !
C’est l’expert(e) qui détermine le montant de ses honoraires, à l’heure ou au forfait.
On n’a peu de chiffres précis sur le sujet, à part ceux que j’ai déjà indiqué sur les coûts d’une expertise judiciaire.
Cela va dépendre de nombreux éléments :
- la demande précise ;
- les enjeux ;
- votre degré d’expertise.
La règle des honoraires pratiqués selon notre code de déontologie avec “tact et mesure” s’appliquent, même si on est dans le cadre d’actes kiné hors nomenclature. (J’en dis plus sur le sujet dans mon guide au format ebook “7 étapes pour développer efficacement le hors nomenclature”.)
Voici à titre purement illustratif un exemple de devis que j’avais fait pour un cabinet d’avocat qui m’avait sollicité (le devis a été accepté).

Également, ces mots de Thierry Delapierre, kiné expert judiciaire :
Financièrement, il reste très clair que cet exercice n’est pas une manne, nécessitant investissement permanent, prenant beaucoup de temps, mais l’habitude et la pratique régulière permettent de dégager un revenu compensant les honoraires « perdus » en temps thérapeutique en cabinet.
Thierry Delapierre, kiné expert judiciaire
Quel est concrètement le travail d’un expert judiciaire kiné ?
Le travail des kinés expert(e)s judiciaires peut se résumer en 3 étapes :
- répondre positivement à une demande d’un magistrat/juge, avocat ou d’une victime pour participer en tant qu’expert juridique ou conseiller technique ; préciser ses honoraires et le cadre précis de la mission ;
- mener son travail d’enquête ;
- rédiger un dossier qui résume son enquête pour donner son avis au juge en vue du procès.
Le contenu précis du travail d’enquête et du dossier d’expertise dépendra énormément du sujet précis de la plainte ! Et aussi de vos compétences spécifiques.
Quelques exemples concrets déjà menés par des kinésithérapeutes :
- évaluer une potentielle faute professionnelle / un niveau de compétence / une dérive possible, en cas de mis en cause d’un confrère ou d’une consoeur ;
- évaluer le dommage et chiffrer les séquelles d’une victime après un accident de travail, un accident dans la vie perso ou les conséquences d’un acte médical ou paramédical ; ou simplement dire s’il est raisonnable de penser qu’il y a un lien causal entre un traitement pratiqué et les séquelles décrites par le patient ;
- déterminer si une pathologie peut être qualifiée de maladie professionnelle (en examinant un poste de travail, des séquelles, etc.) ;
- épauler un collègue kiné pour des indus ou d’autres problématiques en lien avec l’Assurance maladie ; ou une plainte ordinale.
Voici également une liste non exhaustive du “travail d’enquête” possible :
- examiner toutes les pièces médicales,
- organiser une réunion d’expertise (l’accédit) où toutes les parties seront présentes, accompagnées de leurs conseils et techniciens,
- examiner la victime, de façon contradictoire, évaluer ses préjudices et séquelles,
- faire le tri entre de nombreuses informations (état antérieur, certificats et courriers médicaux, allégations de la victime),
- solliciter des experts « sapiteurs » (un autre expert) lorsque cela concerne une zone de compétence qui lui est inconnue ;
- évaluer une prise en charge thérapeutique au regard “des données de la science”, en examinant la littérature scientifique.
Enfin, quelques-unes des compétences qu’il semble nécessaire d’avoir pour effectuer ces missions d’expertise ou de conseil :
- bonnes capacités de communication orales et écrites ;
- goût pour l’argumentation factuelle, la rigueur de raisonnement ;
- maitrise des outils de bureautique et de recherche bibliographique ;
- soucis de la confidentialité et du secret professionnel ;
- savoir se positionner en tant qu’assistant technique, sans juger.
Témoignage : Thierry Delapierre, membre de la Compagnie nationale des kinés experts et de la CNEJPS
Voici ci-dessous les réponses à mes questions d’un des kinés français expert-judiciaire auprès d’une Cour d’appel, Thierry Delapierre. Cela vous donnera un aperçu plus concret de l’activité !
Vous pouvez aussi consulter son site professionnel où il présente ses activités.
Peux-tu me dire ce qui t’a donné envie de devenir expert judiciaire en tant que kiné/ostéo ?
Ayant débuté mon exercice en 1982 (oui, c’était « avant » …), je me suis syndiqué qu’en 1995 (tardivement), suite à litige avec un médecin conseil de très mauvaise fois, me refusant ce qu’il m’avait autorisé 6 mois avant, et me balançant des textes et des références juridiques et réglementaires que j’ignorais totalement.
Fort de cette appartenance syndicale, je me suis aventuré en CSPD (la Comission paritaire départementale de l’époque), une place s’étant libéré au sein de mon syndicat, et là je me suis rendu compte que sans connaitre l’aspect réglementaire régissant notre exercice, je me faisais berner à chaque demande, par ignorance, ou je passais pour un benêt en posant des questions stupides au regard de la loi, avérant ma méconnaissance.
Je me suis donc penché sur ces textes, découvrant un nouveau monde, et des arguments implacables pour raisonner devant la caisse. Et j’ai commencé localement à les embêter un peu, mettant le doigt sur quelques anomalies mais aussi à me faire respecter, puisque le ton a changé, la considération a évoluée. Le respect s’est installé, puisque je disais moins d’âneries aussi. Je suis peu à peu sorti des croyances de tous poils pour aller sur des éléments factuels et des références valides.
Lors de cet exercice en CSPD, j’ai eu questionnements et me suis tourné vers Roland ROCTON, MK investi dans les débuts de l’expertise pour les kinés. Je l’ai rencontré au GICARE dans les années 2003 ou 2004. Il m’a parlé de la formation à l’expertise, de la Compagnie des masseurs-kinésithérapeutes experts (CNKE) etc. L’idée a fait son chemin.
Quelles formations as-tu suivies ?
En 2007 j’ai fait la formation proposée par la CNKE, un « Certificat d’expertise du contentieux judiciaire et d’assurance », dans le cadre de l’EFOM, à PARIS.
J’ai enchainé en 2009 sur un « DU de responsabilité médicale » à Paris DESCARTES.
Puis j’ai entamé un DU d’expertise à Poitiers (non finalisé par mémoire pour raison annexe mais riche d’enseignement).
Et enfin en 2015 j’ai repris et finalisé un « DU d’expertise judiciaire, d’assurance et d’évaluation du préjudice corporel » à l’ICT de TOULOUSE 2.
Ceci dit la formation continue est un élément indispensable, puisque chaque année l’expert inscrit sur une liste de Cour d’Appel (j’ai été inscrit en 2014 sur la CA de RIOM après 3 demandes sans effet) doit justifier de formation continue, principalement des congrès ou formations à la journée, soit sur des compagnies d’experts de type professionnel (par exemple CNKE, CNEJPS), soit des compagnies locales (Compagnie des experts judiciaires de la Cour d’Appel locale, multi professionnelle).
Au final je suis inscrit en liste de cour d’Appel depuis 2014, en rubrique F8 « auxiliaire médical rééducateur, et depuis 2019 également en rubrique F 10 « NGAP » et en rubrique F9 « affaire de sécurité sociale ».
Es-tu souvent sollicité ? Tous les ans ? Plusieurs fois par an ? Comment les personnes qui te sollicitent te trouvent ?
- Depuis 2013, avant d’être inscrit sur liste de Cour d’Appel, j’ai commencé à réaliser des expertises pour une association de travailleurs accidenté du travail et handicapés FNATH (à qui j’avais proposé mes services) sur des problèmes de sous-estimation de leur handicap et de l’impact fonctionnel, ou de minoration de leur incapacité ou invalidité. J’ai développé ceci petit à petit, avec une dizaine de dossier par an, et certains avocats de ces membres de l’association se sont alors tourné vers moi en direct, pour d’autres affaires.
- La justice a fait appel à moi de façon discrète, 1 fois tous les deux ans (souvent pour des affaires de mise en cause de kinés-ostéo ou d’ostéos non professionnels de santé) mais actuellement je reçois des affaires plus régulières, deux par an depuis 2 ans (soit par carence de médecins experts, soit par évolution des mentalités des juges reconnaissant la compétence des MK en ce domaine).
- Les avocats ayant lu mes rapports par d’autres voies m’envoient 3 à 5 affaires annuellement au titre d’expert conseil.
- Certains patients, 1 à 2 fois dans l’année viennent me voir sur conseil de mes confrères du cabinet.
- Les confrères s’adressent aussi à moi en direct via la piste syndicale, quand mis en cause sur des indus, et j’interviens sur contrôle CPAM ou au Pôle social du TJ environ 2 fois/an.
- Depuis 2 ans je travaille avec une association AGEFIP/OhéProméthée, déléguée par CAP EMPLOI pour évaluer les capacités physiques de personnes ayant des problèmes de santé et en recherche d’emploi : l’idée est d’éviter de les aiguiller sur de secteurs où ils seront fonctionnellement en difficulté (voire en arrêt ou en AT). Je reçois là une 30aine de dossiers par an.
- Enfin de façon plus rare, je suis sollicité par un Conseil régional de l’ordre des kiné pour expertise d’un confrère en suspicion d’incompétence professionnelle. Le statut d’expert formé n’est pas indispensable dans ce cas, mais est gage de compétence/expérience à l’organisation et rédaction d’un rapport.
Peux-tu nous donner quelques exemples récents d’expertises que tu as rendues (en prenant en compte bien évidemment que tu es soumis au secret professionnel) ?
- Missionné par un juge pour déterminer si le geste d’un ostéopathe était responsable des dommage consécutifs à un patient (dissection, carotidienne) et évaluation des dommages et préjudices du patient, en co-expertise avec neurochirurgien
- Assistance conseil syndical à une consoeur notifiée d’indues de façon « abusive » selon moi, auprès de la CPAM puis au Pole Social du TJ sur cotations estimées non conformes par la CPAM. Affaire gagnée au TJ, actuellement en Cassation.
- Assistance conseil d’une patiente estimant souffrir de séquelles opératoires sur « faute » du chirurgien et envoyé par son avocat pour avis avant de déclencher une procédure
- Missionné par un juge pour évaluation des dommages et préjudices d’une victime d’un accident de la route (aspect pénal, acte volontaire)
- Assistance conseil d’une victime d’un accident de la vie privée, pour laquelle son assurance personnelle minimise les conséquences fonctionnelles
- Évaluation des compétences à entreprendre une profession de cariste d’un homme en inaptitude depuis 10 ans sur amputation de 3 doigts de la main dominante (AT) ayant d’autres comorbidité (obésité, HTA, inactivité, etc.)
Quelles sont les choses que tu préfères ? Que tu aimes le moins ?
Ce que je préfère :
- les dossiers clairs et sans zone d’ombre : les carences de certaines victimes ou mis en cause (confrère compris) à produire des éléments factuels est désespérante, ne permettant pas d’y voir clair, suscitant soupçons et rendant parfois difficile l’assistance (sur expertise conseil) ou l’avis (sur mission de justice) ;
- l’attitude de certains médecins experts ou conseils, respectueux de nos compétences.
Ce que j’aime le moins :
- les complications survenues lors de certaines missions, suite à demandes de certaines parties de sapiteurs, d’avis complémentaires, etc, de façon dilatoire ;
- les dossiers très lourds, trop lourds, ou il est parfois compliqué de « « retrouver » ses petits (exemple : fracture fémur et L2 sur AVP mais 6 mois après, chute dans l’escalier, et encore 3 mois après, troubles neuropsy sur dépression ou somatisation plus ou moins imputable aux suite de l’AVP…) ;
- l’attitude de certains médecins experts ou conseils, irrespectueux de nos compétences ;
- le manque de temps dans une journée, car activité chronophage.
Selon toi, pour quels kinés ne sont pas faites ces missions d’expertise/conseil ?
Ne pas se diriger vers cette activité si on est un kiné :
- n’aimant pas lire des textes parfois ardus, complexes, se documenter (parfois long ++) ni se servir de l’outil informatique (il faut scanner, copier, extraire, etc…) ;
- n’aimant pas rédiger (maitrise Word/pdf indispensable bien sûr) ;
- n’aimant pas bilanter et formaliser le bilan (une expertise c’est un « super bilan » des déficits/ déficiences, des incapacités/limitations et des handicaps/désavantages ;
- pensant gagner ainsi beaucoup d’argent ;
- n’aimant pas se référer aux textes, à la loi, aux règlements.
Tu aurais 3 conseils à donner à des kinés qui veulent se lancer comme expert judiciaire ?
- Prendre contact avec un MK expert nommé pour en parler
- Faire une formation basique type contentieux de sécu ou autres avec un syndicat, une compagnie d’expert afin de visualiser la démarche médico légale
- S’assurer de pouvoir à terme libérer du temps
***
Vous arrivez à la fin de cet article consacré à l’expertise judiciaire quand on est kiné. J’espère sincèrement que cela a répondu à vos interrogations sur le sujet.
Si vous avez des questions, une expérience à partager : vous pouvez le faire en commentaire 🙂.
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📚 SOURCES et RESSOURCES
Le site officiel/gouvernemental de l’expertise judiciaire : ici
Loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires
Arrêté du 10 juin 2005 relatif à la nomenclature prévue à l’article 1er du décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004
Les articles R4321-138 à R4321-141 du code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes qui indiquent que l’expertise fait partie des compétences des kinés
OYTANA Yves, « Les coûts des expertises judiciaires dans les procédures inquisitoire et accusatoire », Revue économique, 2016/1 (Vol. 67), p. 5-48. DOI : 10.3917/reco.pr2.0050.
Exemple de dossier à remplir pour candidater pour expert judiciaire à une Cour d’appel ici
Compagnie des experts judiciaires professionnels de santé autres que médecins CNEJPS : ici
Compagnie nationale des kinés experts CNKE : ici
Santejuris, organisme qui propose des DU et Master pour les kinés
La page de présentation de l’activité d’expertise judiciaire de la cour d’appel de Chambéry (celle la plus proche de chez moi) : ici. Trouvez facilement la votre avec l’annuaire des cours d’appel de justice en France, ici.
Liste nationale des expert(e)s judiciaire à la Cour de cassation : ici
DU expertise de santé pluri-professionnelle présenté par le CNOMK

Rédigé par Nelly Darbois
J’aime écrire des articles qui répondent aux questions des internautes en me basant sur mon expérience et des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale.
J’habite en Savoie 🌞❄️ où je travaille comme kiné et communicante pour des revues scientifiques et des sites web.
# Mon ebook pour les patient(e)s
# Mes ressources de développement pro pour les kinés
Bonjour, pour info la nomenclature a changé le 5 decembre 2022. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046704451 Pour les MK c’est F8.6 F9.2 et F10.2. Cdlt.
Merci beaucoup Yann pour votre oeil averti, je mets à jour l’article 🙂