Depuis que je suis kiné, je constate que nombre de mes collègues se posent des questions sur les actes ou soins « hors nomenclature ». On lit tout et son contraire à ce sujet, y compris sur des sites que l’on pense fiable, et qui délivrent pourtant des informations contradictoires.
Même si l’on veut bien faire et rester dans le cadre légal, on est parfois à côté de la plaque.
Le but de cet article est de répondre aux principales questions des kinés à ce sujet. De la manière la plus claire, argumentée et sourcée possible (toutes les références en fin d’article), puisqu’il y a toujours plusieurs interprétations possibles !
Les patient(e)s qui ont des kinésithérapeutes qui pratiquent des actes hors nomenclature pourront aussi être intéressés par le contenu de cet article.
L’espace commentaire est là si vous avez des remarques ou questions 🙂. Vous pourrez aussi télécharger gratuitement un modèle de facture pour des actes en hors nomenclature.
♻️ Dernière mise à jour : janvier 2023.
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Sommaire
- C’est quoi un acte hors nomenclature ?
- Quels avantages et inconvénients à faire du hors nomenclature ?
- Du point de vue des kinés
- Du point de vue des patient(e)s
- Liste des actes et soins hors nomenclature en kiné
- Comment faire concrètement pour pratiquer le hors nomenclature en kiné ?
- Identifier ce qu’on souhaite faire
- Vérifier si c’est bien du DE ou HN
- Faire connaître sa prestation
- Démarches administratives
- Exemple/modèle de facture kiné
C’est quoi un acte hors nomenclature ?
Si on souhaite travailler sous le titre de kinésithérapeute en France, on doit respecter a minima le code de déontologie des kinés, inscrit dans le code de la santé publique.
En plus, la plupart des kinés en France sont conventionnés avec l’Assurance maladie. Au moment de s’enregistrer auprès de l’assurance maladie, on a signé un document qui dit qu’on accepte cette convention, ses règles, son fonctionnement. Donc on doit la respecter elle aussi.
Et en échange, certains des actes qu’on pratique sont remboursés à nos patient(e)s, par l’Assurance maladie et les complémentaires santé (mutuelles).
La convention de l’assurance maladie et ses avenants définissent (entre autres) les modalités de remboursement des soins par les organismes d’assurance maladie pour les différents actes professionnels couverts. Et ces actes professionnels couverts sont définis par encore un autre document (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué) : la nomenclature générale des actes professionnels, de son petit nom plus sympa NGAP.
Un acte kiné hors nomenclature est donc tout simplement un acte :
- qu’on a le droit de pratiquer en tant que kiné (selon notre code de déontologie, puisque nous sommes une profession réglementée) ;
- mais qui ne fait pas partie des actes fixés dans notre nomenclature, la NGAP.
Ces actes de la nomenclature, vous les connaissez : ce sont tous les AMK, AMC, AMS et autres joyeusetés. Quand quelque chose n’est pas listé (on verra après une liste plus précise des actes kinés hors nomenclature), par exemple, une conférence sur la prévention du mal de dos devant des collégiens, c’est du hors nomenclature.
Conséquence :
- on peut le faire avec le statut juridique et l’étiquette kiné, car ça respecte notre code de déontologie, notre décret de compétence ;
- mais c’est un acte hors nomenclature, donc l’assurance maladie ne le prendra pas en charge (on parlera des mutuelles un peu plus loin). Et il sera donc facturé et déclaré différemment.
De ou HN : quelle différence ?
On confond souvent l’acte hors nomenclature (HN) avec le dépassement pour exigence (DE).
Je vais essayer d’expliquer simplement la différence :
- Le DE s’applique uniquement pour des actes qui figurent dans la nomenclature. C’est quelque chose qui ne sera pas remboursé par la sécu, mais parce qu’on le facture EN PLUS.
- Le HN s’applique uniquement pour des actes qui ne sont pas dans la nomenclature. Aucune partie n’est remboursée par la sécu.
Certains kinés parlent de séance de kiné avec supplément « hors nomenclature » de 3 euros.
C’est en réalité un DE (ou dépassement d’honoraire, c’est la même chose), parce qu’on parle bien d’actes qui font partie de la nomenclature, et qui ouvrent le droit au remboursement de la sécu.

Voir mon article sur les dépassements pour exigence en kiné.
Soin non conventionné et HN : quelle différence ?
Comme si cela n’était pas déjà assez compliqué comme ça, on parle parfois aussi de :
- actes ou soins hors convention ;
- actes ou soins non conventionnés.
Ces expressions (soins hors convention) sont des synonymes de « acte ou soin hors nomenclature ». C’est la même chose.
Quels avantages et inconvénients à faire du hors nomenclature ?
Je trouve cela intéressant de s’interroger sur l’intérêt (et les limites) du HN en tant que kiné mais aussi en tant que patient(e).
Du point de vue des kinés
Je vois différents avantages à faire du hors nomenclature du point de vue des kinés.
- Diversifier ses activités : pour le plaisir de changer, pour « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », pour sortir de la routine, par challenge intellectuel.
- Être mieux rémunéré à l’heure : les tarifs de nos actes conventionnés sont fixés par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), et il est très rare de pouvoir (légalement) faire des dépassements. Un des seuls moyens d’être rémunéré à l’heure autrement qu’en prenant plus de patients en même temps, c’est de pratiquer des tarifs un peu plus élevés. Ce que nous permet de faire le HN.
- Pour répondre à la demande de nos patient(e)s : par exemple, j’ai une activité de conseil auprès de personnes atteintes d’hyperhidrose. Et j’ai lancé cette activité parce que des personnes m’ont justement sollicité pour cela. Je ne pouvais pas le faire dans le cadre conventionnel : le HN le permet.
Et du côté des inconvénients.
- Il n’est pas évident en tant que kiné de faire payer nos patients. Dans l’esprit de beaucoup de gens, kiné = remboursé. Et même dans le notre : on n’est pas habitués, pas formés à vendre des prestations. On trouve parfois même cela indécent, inéquitable.
- Cela peut prendre du temps à mettre en place. Les modalités de facturation, de communication sont différentes. Et cela peut ne pas marcher.
Du point de vue des patients
Pour les patients, le principal avantage selon moi est de pouvoir profiter de notre expertise de kiné sous d’autres facettes.
Et le principal inconvénient est bien sûr que cela n’est pas pris en charge par l’assurance maladie, alors qu’ils cotisent pour cette dernière. Idem pour la plupart des mutuelles.
Est-ce que le HN « creuse les inégalités » ?
Certaines personnes par principe ne font/feront jamais du HN. Un des motifs évoqué : ça creuse les inégalités, ça va créer une médecine à double vitesse. J’ai d’ailleurs pendant longtemps plutôt soutenu de tels propos.
On pense que pas tout le monde pourra se payer ces services, et que ce sera injuste.
Je ne vais pas rentrer longuement dans les détails (même si ce sujet me passionne) car on s’éloigne du sujet central de l’article.
Pour faire court : cette histoire de « médecine à 2 vitesses » nécessite une solide argumentation. Et pas seulement en disant « mais regardez comment ça se passe aux États-Unis ! ».
Cela nécessite également de se demander : mais pourquoi veut-on à tout prix l’égalité pour l’accès aux soins de santé ou de bien-être, mais pas pour l’alimentation, le logement, l’habillage ou même… les relations amicales ?! Qui rentrent tous dans la catégorie des besoins fondamentaux, et qui sont déterminants pour notre bien-être.
L’injustice se situe selon moi à un nouveau supérieur : au niveau de QUI décide de ce que l’État doit prendre en charge ou non. D’où mon implication pour un fonctionnement plus démocratique en France.
Ce point reste important pour moi et c’est pour ça que j’ai appelé mon ebook sur le HN “développer le hors nomenclature sans créer une médecine à 2 vitesses”. J’aborde dedans aussi des pistes pour pratiquer le HN de manière plus inclusive, avec des exemples réels de collègues.
Liste des actes et soins hors nomenclature en kiné
Comme je l’expliquais, même si on fait en tant que kiné des actes hors nomenclature, on est quand même obligé de respecter le Code de déontologie des MK et le Code de la santé publique.
Et ces deux codes définissent notre champ de compétence.
Dans notre champ de compétence, il y a :
- des actes thérapeutiques : il nous faut une prescription médicale, même s’ils sont hors nomenclature ;
- des actes non thérapeutiques : on n’a pas besoin de prescription médicale.
Nos compétences sont listées à plusieurs endroits du Code de la santé publique :
- article R 4321-5 ;
- article R 4321-1.

Mais… cela est complété par un document rédigé par le Conseil national de l’ordre des kinés. Document de… 218 pages ! Le référentiel de la profession.
Exemples d’actes hors nomenclature pratiqués par des kinés
Je vous liste quelques exemples (vrais) d’actes hors nomenclature pratiqués par des kinés. Vous en trouverez une liste beaucoup plus complète (et plein d’autres choses) dans mon ebook 7 étapes pour développer efficacement le hors nomenclature.
- Cours collectifs de gymnastique, Pilates, Yoga, renforcement musculaire, étirement, de relaxation : souvent facturé 10 euros/séance sans engagement. Séance en groupe au cabinet, souvent les patient(e)s du cabinet. Sur un créneau du midi ou du soir.
- Intervention en entreprise : massage assis, conférence d’éducation à la santé, coaching individuel ou de groupe prévention des TMS, études ergonomiques… Facturé à l’entreprise, qui est obligée/incitée, notamment par le CSE, à délivrer ce type d’action pour renforcer la Qualité de vie et des conditions de travail.
- Missions d’expertise judiciaire en tant que kiné.
- Séances de massage ou drainage bien-être ou lutte contre la cellulite, cryolipolyse, cicatrices inesthétiques. Facturées à l’heure ou au forfait.

Rappelez-vous : ces actes hors nomenclature :
- font partie de nos compétences de kinés ;
- mais n’ouvrent pas le droit au remboursement par l’assurance maladie. Le patient patient paie tout (sauf éventuellement si sa mutuelle en prend un peu à charge).
Comment faire concrètement pour pratiquer le hors nomenclature en kiné ?
Voici un plan étape par étape de ce qu’il faut faire pour concrètement et légalement pratiquer des actes hors nomenclatures
1. Identifier ce qu’on souhaite faire
Déjà, posez concrètement sur papier (ou sur l’ordi ou le smartphone !) ce que vous avez envie de faire. Et tentez d’évaluer en amont la fiabilité de ce projet (c’est clairement l’étape qui est je crois trop souvent laissée de côté) :
- est-ce que cela fait bien partie de notre champ de compétence de kiné ?
- +++ Est-ce que cela répond à une demande qu’on vous a déjà adressé ?
- ++++ Sur quoi vous basez-vous pour faire le pari que ça va marcher, que les gens seront prêt(e)s à payer pour ce service, et qu’ils en entendront parlé. Comment entredront-ils et elles parler de ce service ? Quels moyens allez-vous mettre en place pour cela ? (C’est un sujet que j’aborde beaucoup dans l’ebook, car j’ai constaté que son importance était souvent sous-estimée.)
- Combien les gens seront prêts à payer ?
Se lancer dans le HN sans essayer de répondre avant à ces questions risque de diminuer les chances de réussite de votre projet.
2. Vérifier si c’est bien du DE ou HN
Êtes-vous bien sûr qu’il s’agisse d’une activité qui ne fait pas partie des (nombreux) actes de la nomenclature ? Normalement, le contenu de cet article doit vous aider à assez facilement identifier cela.
3. Faire connaître sa prestation
Il n’y a plus qu’à faire connaître vos actes hors nomenclature ! C’est je pense l’étape la plus difficile, car on n’est pas habitués à cela en tant que kiné.
Légalement :
- Vous avez le droit de communiquer librement sur cette activité si elle est non thérapeutique et effectuée dans d’autres locaux (ou entrée distincte), mais il faut théoriquement soumettre votre communication à l’Ordre départemental.
- Si vous ne communiquez pas dessus (ou seulement de la manière dont c’est autorisé aux kinés habituellement : pas de pub payante, pas de flyers laissés à disposition dans les commerces, etc.), vous pouvez l’effectuer dans les mêmes locaux.
Quelques pistes :
- affichage dans vos locaux ;
- bouche à oreille : parlez-en à vos patient(e)s susceptibles d’être intéressés, aux gens de votre réseau pro et perso ;
- site internet kiné et réseaux sociaux si vous utilisez ces outils de communication ;
- média local ;
- démarchage auprès d’entreprises, d’associations, de mairies, de clubs sportifs… selon l’activité que vous souhaitez développer.
4. Démarches administratives
Vous n’avez aucune démarche à faire pour avoir le droit de faire du HN (ouf !).
Les seules choses administratives que vous devez faire :
- faire un devis écrit à la personne à qui vous délivrez la prestation si cela coûte plus de 70 euros ;
- faire une facture (avec les mentions obligatoires) ;
- déclarer vos revenus comme des revenus non conventionnés. À la fin de l’année fiscale, vous avez 2 cases, une pour les revenus conventionnés, une pour les non conventionnés. Ce n’est vraiment pas compliqué, surtout si vous utilisez un outil gratuit comme Indy (voir mon avis sur Indy pour les kinés et professions libérales) qui vous catégorise très simplement tout ça.
5. Exemple/modèle de facture kiné
Voici mon modèle de facture que j’utilise pour mes activités hors nomenclature. Je les fait tout simplement sous LibreOffice, et je les exporte en PDF.
Vous devez mentionner TVA non applicable ART. 293 B du CGI, sauf si vous dépassez les 33 200 euros brut d’actes de ce type (ou des redevances d’assistances, ou les aides de l’assurance maladie) par an. Dans ce cas, vous devrez facturer la TVA en plus.
Selon le logiciel métier de kiné que vous utilisez, il vous permet normalement d’éditer des factures conformes pour des actes hors nomenclatures.
Modèle téléchargeable de facture pour le HN en kiné
Je vous propose aussi de télécharger gratuitement un modèle éditable de facture.
Il n’est pas en format PDF mais en format .doc pour que vous puissiez modifier selon vos propres informations personnelles.
Le hors nomenclature en kiné est-il remboursé par les mutuelles ?
Certaines mutuelles remboursent les actes de kiné hors nomenclature.
Le seul moyen de le savoir est que votre patient demande à sa mutuelle avec un devis à combien il peut prétendre être remboursé.
C’est plus souvent le cas chez les patient(e)s qui ont un forfait « médecine douce ».
⚠️ Même si la mutuelle rembourse à hauteur de 300 % du tarif de base de la sécu, comme on est sur des soins hors nomenclature et souvent sans ordonnance, elle risque de ne pas rembourser s’il n’y a pas de forfait “médecine douce” ou “prévention santé”.
Mon expérience avec le HN
Voici les activités que j’ai fait ou que je pratique encore en tant que kiné, en hors nomenclature :
- des téléconsultations à visée de ce qu’on pourrait appeler « prévention secondaire » ou conseil. Facturées 100 euros TTC/ l’heure, non remboursées par les mutuelles. Je n’en fais plus que pour l’hyperhidrose, pathologie pour laquelle j’ai développé une expertise, car je tiens un site sur le sujet depuis 11 ans (l’observatoire de l’hyperhidrose).
Les gens me découvrent par internet, par mon site principalement (j’utilise peu les réseaux sociaux). J’en faisais également sur des sujets plus kiné, au même tarif, mais j’ai arrêté (faute de temps/intérêt) ; - du conseil pour des entreprises dans le secteur de la santé (souvent des organismes de formation continue, ou des Saas qui proposent des solutions pour les pros de santé), qui souhaitent bénéficier de mon regard kiné/consultante-rédactrice-communicante.
Facturé 120 euros TTC/heure. Ces personnes me trouvent uniquement par internet, par mon site ou LinkedIn ; - surtout, de la rédaction web en santé, et de la rédaction scientifique pour des revues scientifiques
Ces activités constituent environ la moitié de mon chiffre d’affaires. Et je ne cherche pas à les développer plus : je ne fais aucune prospection ni communication directe, à part une page d’info sur mes sites internet.
Je pratique (sans le vouloir initialement) l’inbound marketing : je vais venir les client(e)s/patient(e)s à moi sans aller les chercher.
***
J’espère avoir répondu à vos principales interrogations au sujet du HN !
Si vous souhaitez en savoir plus, j’ai écrit un guide très complet (86 pages), avec notamment des interviews de kinés qui ont développé le HN. Le guide coûte un AMK 7.5 soit 16,13 euros 🙂.
Vous pouvez bien sûr laisser des questions ou retours d’expérience sur le hors nomenclature en commentaire !
PS : le fait qu’on doive passer un temps fou à essayer de comprendre ce qui est légal est une des principales raisons qui me pousse à m’investir pour un fonctionnement plus simple et démocratique de nos institutions.
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📚 SOURCES
La NGAP générale (kinés et autres professions) qui fixent les actes dans la nomenclature : ici pour a version toujours mise à jour)
Convention nationale des MK et ses avenants : là
Articles R 4321-5 et R 4321-1 du Code de la santé publique
Le référentiel de compétences des MK et MKO : ici

Rédigé par Nelly Darbois
J’aime écrire des articles qui répondent aux questions des internautes en me basant sur mon expérience et des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale.
J’habite en Savoie 🌞❄️ où je travaille comme kiné et communicante pour des revues scientifiques et des sites web.
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