Vous avez une entorse de cheville, ou vous êtes kiné ou médecin, et vous vous posez des questions sur la rééducation ? Quelles sont les différentes étapes, le protocole ? Y a-t-il des exercices à faire à tout prix ? Combien de séances de kiné ? Et si on a une entorse grave ?
Je réponds ici aux interrogations les plus fréquentes des internautes. Sur la base de mon expérience de kiné, et de recherches documentaires approfondies : vous trouverez en fin d’article les publications scientifiques sur lesquelle je m’appuie.
Bonne lecture !
♻️ Dernière mise à jour : mars 2023.
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Sommaire
- Quel est le protocole de rééducation d’une entorse de cheville?
- Qu’est-ce que la rééducation proprioceptive de la cheville ?
- Est-ce que la rééducation passe forcément par faire des exercices ?
- Combien de séances de kiné après une entorse de cheville ?
- Les recommandations en France
- Peut-on faire sa rééducation soi-même ?
- Y a-t-il des différences dans la rééducation si on a une entorse grave de la cheville ?
- Quels conseils d’auto-rééducation pour une entorse de cheville ?
Quel est le protocole de rééducation d’une entorse de cheville ?
Un protocole de rééducation, c’est comme une recette de cuisine.
Pour faire une omelette, il y a quelques ingrédients de base (enfin, surtout un 🥚 !). Mais vous trouverez énormément de variantes possibles en fonction des goûts, des envies, de ce que vous avez dans votre placard…
C’est exactement pareil pour la rééducation. Il y a quelques grandes lignes à suivre, que je vais vous dire.
Mais vous trouverez derrière une quantité astronomique de protocoles différents, d’exercices. Comme une recette de cuisine : parce que tout le monde n’a pas les mêmes envies, ou les mêmes problèmes spécifiques.
Voici ces grandes lignes, ce protocole très général à décliner :
- les premiers jours (ou semaines), il est habituel (mais pas systématique) d’avoir des douleurs, un gonflement et une instabilité. Trouver un moyen de rester autant actif que possible sans aggraver trop les douleurs ou l’instabilité est important ;
- au fil des jours ou semaines, la cheville est moins douloureuse, moins gonflée, moins instable. Il est alors possible de reprendre progressivement toutes les activités physiques puis sportives d’avant.
Et c’est tout !
Je ne pourrais pas vous donner de “protocole type” plus précis. Car cela conviendrait pour certaines personnes, et pas pour d’autre.
Ou ce serait une version possible, mais il y en aurait beaucoup d’autres possibles aussi ! D’où ces grandes lignes qui résument vraiment l’essentiel, et le dénominateur commun à toutes les entorses de chevilles.
Vous trouverez dans d’autres de mes articles pour plus d’informations sur la douleur après l’entorse de cheville, le gonflement après entorse de cheville et quand et comment reprendre la marche après l’entorse.
Un protocole de rééducation de la cheville s’articule surtout en 2 étapes : la première où on essaie de rester le plus actif possible sans augmenter la douleur, l’oedème et l’instabilité, la seconde où l’on peut vraiment reprendre progressivement toutes ses activités physiques et sportives d’avant.
Sources : Doherty, 2017 ; Tran, 2020.
Qu’est-ce que la rééducation proprioceptive de la cheville ?
Rééducation proprioceptive veut dire rééducation de la proprioception.
La proprioception, c’est notre capacité à identifier les mouvements, la force et la position de notre corps. Elle est parfois décrite comme notre 6 ème sens (comme le goût, l’odorat, etc.).
Cette capacité, on l’a tous et toutes a des degrés plus ou moins importants. Et quand on a une blessure comme une entorse, notre proprioception est un peu moins bonne.
C’est ce qui cause en partie l’instabilité de notre cheville.
La rééducation de la proprioception, c’est donc essayer de retrouver de bonnes capacités à identifier la position, la force et les mouvements de notre corps. La plupart des exercices qui font travailler la force, la souplesse ou l’équilibre sollicite en fait notre proprioception !
À des degrés plus ou moins importants. Quand on ferme les yeux par exemple, notre proprioception est plus sollicitée, car on ne peut pas compenser par la vue.
C’est pour cela qu’en kiné on fait souvent des exercices les yeux fermés.
Il existe une quantité infinie de manières de “travailler la proprioception” :
- marcher dans le sable ou sur une autres surface instable ;
- faire des exercices sur une seule jambe, ou les yeux fermés ;
- utiliser du “matériel de proprioception” : gymball, plateau ou tapis d’équilibre, bases à picots, plateau de freeman, trampoline, etc.
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La clé pour la rééducation de la proprioception est comme toujours de faire des choses adaptées à votre niveau actuel, et d’augmenter progressivement la difficulté. Sans que ça passe forcément par des exercices spécifiques ou du matériel : les activités du quotidien peuvent suffir.
Que disent justement les études à ce sujet ? Est-ce des groupes de personnes qui font des exercices spécifiques de rééducation proprioceptive récupèrent mieux/plus vite ou au moins de récidive d’entorse que celles qui n’en font pas ?
- Une équipe de recherche canadienne a fait la synthèse de toutes les études sur le sujet (Tran 2020). Elle conclut que non, ces personnes avec rééducation spécifique ne récupèrent pas plus vite ou mieux. Il y a une incertitude en revanche par rapport à la récidive, mais j’explique plus loin dans l’article pourquoi je pense que cela est pareil pour ce point.
- Une autre équipe de recherche a compilé toutes les études sur la rééducation proprioceptive en cas d’instabilité chronique de cheville suite à une entorse (10 à 20 % des personnes qui ont eu une entorse sont dans ce cas) (Cochrane 2011). Conclusion : les personnes suivant à ce stade une rééducation ont des résultats un peu meilleurs à des tests cliniques sur l’instabilité fonctionnelle. Mais on ne sait pas du tout si cela dure dans le temps, et surtout, si cela a un impact significatif dans leur quotidien.
Est-ce que la rééducation passe forcément par faire des exercices ?
Quand on se fait mal quelque part (comme une entorse), on a un souvent un réflexe : se demander quels exercices on peut faire. En pensant qu’en faisant des exercices spécifiques, on va plus vite ou mieux récupérer.
Ou même qu’il faut forcément faire des exercices pour guérir.
C’est une attitude positive 👏 :
- vous prenez à coeur de bien récupérer ;
- vous êtes prêt(e) à mettre en place des choses actives pour y arriver.
La question tout de même : ces exercices sont-ils vraiment indispensables ? Voilà ma réponse rapide à cette question : non, ce qui compte c’est surtout de ré-intégrer petit à petit toutes vos activités d’avant, en dosant bien.
Ce qu’on entend par “rééducation” ne se réduit pas à “faire des exercices”. Mais plutôt à “reprendre votre vie d’avant progressivement”.
Quand votre kiné vous donne des exercices en cas d’entorse de cheville, ils ont souvent pour but :
- d’entretenir ou de récupérer la souplesse de la cheville ;
- de renforcer les muscles de la cheville ;
- de travailler la proprioception : les capacités de votre cheville de s’adapter à l’environnement pour conserver votre équilibre.
Mais ces 3 choses, vous les faites tout simplement en marchant dans différentes situations, en montant des escaliers, en faisant des taches ménagères, etc. Puis en reprenant le sport.
C’est pour cela que chez mes patient(e)s, je privilégie l’encouragement et le guidage pour ré-intégrer ces activités du quotidien progressivement. Les exercices en cas d’entorse de cheville sont nécessaires selon moi que dans des situations assez rares :
- raideur importante de la cheville alors qu’il n’y a quasimment plus de gonflement/oedème. Tant qu’on a un gonflement, il empêche de toute façon de bien plier la cheville, même si on fait plein d’exercices !
- Personne qui reste alitée toute la journée et la nuit sans vraiment rien faire du tout à part aller aux toilettes.
Mais bien sûr, il m’arrive tout de même dans d’autre cas de donner des exercices, surtout pour répondre aux attentes de mes patient(e)s ! Et c’est d’ailleurs ce que je vais faire maintenant 🙂.
Enfin, je ne suis pas la seule à penser cela… Voici la conclusion d’une équipe de recherche canadienne.
D’après les résultats des revues systématiques qui comparaient la rééducation structurée basée sur l’exercice physique plus les soins habituels par rapport aux soins habituels seuls, ou la rééducation supervisée par rapport aux exercices à domicile, il n’y avait pas de différences significatives entre les groupes de traitement en termes de fonction du pied et de la cheville, de douleur, d’instabilité subjective de la cheville ou de récupération subjective. Les résultats concernant la récidive de l’entorse de la cheville étaient mitigés. Plus précisément, une revue systématique a montré une réduction significative de la récidive des entorses de la cheville chez les personnes ayant reçu une réadaptation basée sur l’exercice plus les soins habituels par rapport aux soins habituels seuls après 7 à 12 mois, mais pas après 3 à 6 mois de suivi. Dans l’autre revue systématique, une étude a montré qu’il y avait une proportion significativement plus faible de patients présentant une récidive d’entorse de la cheville dans le groupe de réadaptation supervisée par rapport au groupe d’exercices à domicile, tandis que l’autre étude n’a trouvé aucune différence significative entre les groupes.
Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health, 2020
Dit plus simplement : avec ou sans exercices, les gens récupèrent pareil. Il y a un peu moins de certitudes concernant le risque de récidive.
Mais les biais du système de publication faisant qu’on a tendance à plus publier les études qui montrent un intérêt à quelque chose, je pense qu’il est plus raisonnable de croire qu’il n’y a pas d’effet significatif non plus des exercices sur le risque de récidive.
Exemples d’exercices après entorse de cheville
Vous trouverez déjà une quantité astronomique de vidéos et articles sur internet proposant des exercices pour l’entorse de cheville. Voici une simple infographie qui donne une idée d’exercices, parmi une infinité possible.
Plein de variantes sont possibles ; mais selon moi, mieux vaut reprendre ses activités du quotidien progressivement !
Et si vous avez vraiment une limitation bien particulière, il faudra alors trouver des exercices ciblés et personnalisés. Bien que le temps fera sans doute aussi son oeuvre, quoi que vous fassiez !
Combien de séances de kiné après une entorse de cheville ?
En France, des séances de rééducation délivrées par un(e) kiné sont souvent prescrites par les médecins qui diagnostiquent une entorse de cheville.
Les recommandations en France
L’Assurance maladie et la Haute autorité de santé fixe en France le nombre maximal de séances de kiné que les gens ont le droit de faire pour certaines pathologies fréquentes.
C’est le cas de l’entorse externe/latérale de cheville aiguë (qui vient d’arriver).
10 séances de kiné maximales sont possibles après une entorse de cheville.
Même si ce nombre n’est pas écrit sur l’ordonnance.
Il est possible d’en faire plus si votre kiné fait une “demande d’accord préalable”. En gros, un courrier argumenté pour dire que vous avez besoin de plus.
Dans la pratique, ce cadre contraignant est en fait très souvent non appliqué (pas forcément volontairement). En effet, il suffit d’avoir une ordonnance pour entorse chronique ou instabilité chronique pour qu’on ne soit plus dans ce cadre de séances limitées !
Peut-on faire sa rééducation soi-même ?
C’est le cas de beaucoup de personnes qui ne consultent pas forcément un kiné après une entorse de cheville.
Ce n’est pas bien sûr parce que d’autres le font qu’il est bon de le faire.
Mais comme je l’ai expliqué précédemment, il ne semble pas que les personnes avec une rééducation supervisée récupèrent mieux ou plus vite en moyenne.
Si envisager d’aller chez le kiné est une contrainte pour vous, ou que vous ne trouvez pas de rendez-vous : vous pourrez certainement vous en passer.
À l’inverse, si vous avez beaucoup de questions, ou si vous vous sentez perdu, vous trouverez sans doute un grand intérêt à bénéficier de l’expertise d’un(e) kiné !
Y a-t-il des différences dans la rééducation si on a une entorse grave de la cheville ?
Déjà, mettons-nous d’accord sur ce que c’est une “entorse grave de la cheville”. Il y a 3 degré de “gravité” dans l’entorse de cheville :
- entorse de stade ou grade 1, dite aussi « petite entorse » dans le langage courant. Le ligament a seulement été étiré, mais n’est pas déchiré, ou seulement quelques fibres. Il assure encore bien son rôle de stabilisateur de la cheville ;
- entorse de stade ou grade 2, dite aussi de gravité moyenne. Le ligament est rompu partiellement, sur une partie de sa largeur. Il n’assure plus correctement la stabilité de la cheville : les os ne sont plus assez bien maintenus par lui ;
- entorse de stade ou grade 3, dite aussi entorse sévère/grave de cheville. Le ligament est rompu/déchiré sur toute sa largeur. C’est alors l’insertion du ligament sur l’os qui est arrachée, d’où l’utilisation du terme arrachement osseux pour désigner ce type d’entorse.
Une règle générale : toutes choses égales par ailleurs, les entorses de stade 1 vont récupérer plus vite que celles de stade 2 et 3 ; celles de stade 2 plus vite que celles de stade 3.
Mais les règles en médecine sont comme celles de la grammaire française : il y a toujours des exceptions, ou des variations selon différents paramètres, qu’on n’arrive pas forcément à identifier. Par exemple, l’évolution de la douleur n’est pas liée à la gravité de l’entorse !
Et les données sur la récupération en fonction de la gravité après une entorse sont contradictoires : il n’est pas certain que les personnes avec une entors egrave (un ligament rompu) récupèrent moins bien ou plus vite ! (Pepper 2008)
Donc, la rééducation ne va pas forcément dépendre de la gravité de la lésion. Mais plutôt s’adapter à la façon dont vous évoluez.
Une personne qui a une entorse bénigne mais une très grosse douleur va peu marcher. A l’inverse, une personne avec une entorse grave mais peu de douleur et d’instabilité à la marche marchera plus au même stade.

Quels conseils d’auto-rééducation pour une entorse de cheville ?
Le meilleur conseil que je pourrais vous donner est de faire le plus de choses actives habituelles possibles en respectant :
- la douleur : vous pouvez faire des chosessi la douleur est supportable ;
- la progressivité : n’allez pas 3 jours après votre entorse, alors que vous n’avez pas poséle pied par terre pendant 3 jours, tester de faire un footing ! Il faut reprendre progressivement la marche à l’intérieur, puis à l’extérieur (avec ou sans béquilles), augmenter progressivement les distances et durées et l’intensité. Et quand cela n’est pas trop douloureux, et que vous n’avez pas de sensation d’instabilité, là vous pouvez envisager de reprendre progressivement la course à pied, sur terrain plat et sable.
Comme vous l’avez sans doute remarqué, je suis plutôt partisane de l’auto-rééducation après une entorse de cheville. Si bien sûr on est confiant et on sent comment se remettre petit à petit en activité !
Dans le cas contraire, consulter un(e) kiné vous sera probablement utile.
Mais il n’y a pas de culpabilité à avoir si vous ne suivez pas les séances de kiné qu’on vous a prescrit parce que vous avez l’impression que ça va bien. Ou d’appréhension parce que vous n’arrivez pas à avoir un rendez-vous : cela devrait bien se passer !
Si vous ressentez le besoin d’en savoir plus sur la période de récupération après une entorse de cheville, j’ai aussi conçu ce guide au format ebook (12 euros) :
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Si vous avez des questions d’ordre général sur la rééducation de la cheville, ou un retour d’expérience à faire : c’est possible de laisser cela en commentaire !
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📚 SOURCES
++++ Tran K, McCormack S. Exercise for the Treatment of Ankle Sprain: A Review of Clinical Effectiveness and Guidelines [Internet]. Ottawa (ON): Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health; 2020 Apr 3. PMID: 33074633.
Doherty C, Bleakley C, Delahunt E, Holden S. Treatment and prevention of acute and recurrent ankle sprain: an overview of systematic reviews with meta-analysis. Br J Sports Med. 2017 Jan;51(2):113-125. doi: 10.1136/bjsports-2016-096178. Epub 2016 Oct 8. PMID: 28053200.
de Vries JS, Krips R, Sierevelt IN, Blankevoort L, van Dijk CN. Interventions for treating chronic ankle instability. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue 8. Art. No.: CD004124. DOI: 10.1002/14651858.CD004124.pub3. Accessed 18 February 2023.
Hung YJ. Neuromuscular control and rehabilitation of the unstable ankle. World J Orthop. 2015 Jun 18;6(5):434-8. doi: 10.5312/wjo.v6.i5.434. PMID: 26085985; PMCID: PMC4458494.
Burger M, Dreyer D, Fisher RL, Foot D, O’Connor DH, Galante M, Zalgaonkir S. The effectiveness of proprioceptive and neuromuscular training compared to bracing in reducing the recurrence rate of ankle sprains in athletes: A systematic review and meta-analysis. J Back Musculoskelet Rehabil. 2018;31(2):221-229. doi: 10.3233/BMR-170804. PMID: 29154263.
Pepper 2008. van Rijn RM, van Os AG, Bernsen RM, Luijsterburg PA, Koes BW, Bierma-Zeinstra SM. What is the clinical course of acute ankle sprains? A systematic literature review. Am J Med. 2008 Apr;121(4):324-331.e6

Rédigé par Nelly Darbois
J’aime écrire des articles qui répondent à vos questions. En me basant sur mon expérience de kiné & rédactrice scientifique, et sur des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale.
J’habite en Savoie 🌞❄️, où j’ai crée ce site dorénavant visité par plus de 6 000 personnes chaque jour.
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